L’ARTISTE
1901
enfance
Fernand-Louis Berckelaers naît le 10 mars 1901 à Borgerhout, commune d’Anvers en Belgique flamande. Son père meurt de la tuberculose quand il a 9 ans. Sa mère a reçu une éducation de jeune bourgeoise francophone. Elle est avide d’art et de culture. Elle va à l’opéra, au théâtre, au concert. Elle emmène son fils au cirque. Sa bibliothèque est très fournie et le jeune Fernand va la dévorer dès qu’il saura lire. Enfant unique, souvent livré à lui-même, il développe sa créativité grâce au jeu et bénéficie de la tendresse et de l’attention qui lui sont prodiguées par sa grand-mère et les jeunes servantes qui s’occupent de lui. Ces figures féminines l’entourent d’un bain de langage où le flamand alterne quotidiennement avec le français.
Sa mère se remarie en 1912 et donne naissance à deux petites filles Gabrielle et Madeleine. Seuphor a toujours témoigné une grande tendresse de sentiments pour ses jeunes sœurs.
L’ARTISTE
1901
enfance
Fernand-Louis Berckelaers naît le 10 mars 1901 à Borgerhout, commune d’Anvers en Belgique flamande. Son père meurt de la tuberculose quand il a 9 ans. Sa mère a reçu une éducation de jeune bourgeoise francophone. Elle est avide d’art et de culture. Elle va à l’opéra, au théâtre, au concert. Elle emmène son fils au cirque. Sa bibliothèque est très fournie et le jeune Fernand va la dévorer dès qu’il saura lire. Enfant unique, souvent livré à lui-même, il développe sa créativité grâce au jeu et bénéficie de la tendresse et de l’attention qui lui sont prodiguées par sa grand-mère et les jeunes servantes qui s’occupent de lui. Ces figures féminines l’entourent d’un bain de langage où le flamand alterne quotidiennement avec le français.
Sa mère se remarie en 1912 et donne naissance à deux petites filles Gabrielle et Madeleine. Seuphor a toujours témoigné une grande tendresse de sentiments pour ses jeunes sœurs.
•
Mariage de d'Eugène Berckelaers et de Caroline Marien,
parents de Fernand Berckelaers,
fin des années 1890
•
Maison familiale à Turnhoutslaan,
Anvers-Borgerhout,
bombardée durant la seconde guerre mondiale
1910
le collège
En 1910, Fernand entre au Collège des Jésuites d’Anvers pour y poursuivre des études gréco-latines en français. Il n’en gardera que des souvenirs pénibles. Très tôt, il se heurte à la rigidité des pères, puis à leur hostilité quand il s’engage pour la cause flamingante. C’est d’ailleurs dans une feuille clandestine contre eux en 1917 qu’il emploie pour la première fois le pseudonyme Seuphor, anagramme d’Orpheus, récupéré du titre d’un ouvrage de Salomon Reinach qu’il a sous les yeux.
« C’était non réfléchi, simplement parce que ces lettres se trouvaient là, en gros caractères, blanc sur mauve (…) Mais le nom peu à peu s’imposa et, finalement, resta. Ce jour-là j’étais entré, d’un pas léger, dans une autre âme. » (Seuphor, Le jeu de je, 1976).
C’est aussi au collège qu’il connaît sa première émotion poétique profonde en découvrant les œuvres du poète flamand Guido Gezelle, introduites par son jeune professeur de flamand, le père De Clipelle.
« Gezelle ne m’a plus quitté. Il aura été le compagnon, à la fois pacifique et exaltant, de ma longue vie. » (Seuphor, Le jeu de je, 1976).
Finalement, il interrompt de lui-même définitivement ses études au collège en 1918. De cette liberté jaillit alors, en lui, le goût et l’absolue nécessité de l’étude qui l’accompagneront toute sa vie.
↑
Une branche de cerise, enfant
Extrait de la traduction de Seuphor publiée d’abord dans sa revue La Nouvelle Campagne et republiée dans Le Tombeau de Gezelle, Seuphor vertaalt Gezelle. Anthologie des traductions par Seuphor du poète flamand, réalisée par Agnes Caers, Éditions De Blauwe Reiger, 19991910
le collège
En 1910, Fernand entre au Collège des Jésuites d’Anvers pour y poursuivre des études gréco-latines en français. Il n’en gardera que des souvenirs pénibles. Très tôt, il se heurte à la rigidité des pères, puis à leur hostilité quand il s’engage pour la cause flamingante. C’est d’ailleurs dans une feuille clandestine contre eux en 1917 qu’il emploie pour la première fois le pseudonyme Seuphor, anagramme d’Orpheus, récupéré du titre d’un ouvrage de Salomon Reinach qu’il a sous les yeux.
« C’était non réfléchi, simplement parce que ces lettres se trouvaient là, en gros caractères, blanc sur mauve (…) Mais le nom peu à peu s’imposa et, finalement, resta. Ce jour-là j’étais entré, d’un pas léger, dans une autre âme. » (Seuphor, Le jeu de je, 1976).
C’est aussi au collège qu’il connaît sa première émotion poétique profonde en découvrant les œuvres du poète flamand Guido Gezelle, introduites par son jeune professeur de flamand, le père De Clipelle.
« Gezelle ne m’a plus quitté. Il aura été le compagnon, à la fois pacifique et exaltant, de ma longue vie. » (Seuphor, Le jeu de je, 1976).
Finalement, il interrompt de lui-même définitivement ses études au collège en 1918. De cette liberté jaillit alors, en lui, le goût et l’absolue nécessité de l’étude qui l’accompagneront toute sa vie.
↑
Une branche de cerise, enfant
Extrait de la traduction de Seuphor publiée d’abord dans sa revue La Nouvelle Campagne et republiée dans Le Tombeau de Gezelle, Seuphor vertaalt Gezelle. Anthologie des traductions par Seuphor du poète flamand, réalisée par Agnes Caers, Éditions De Blauwe Reiger, 1999•
Seuphor
Le jeune Fernand en habits d’écolier vers 1912
↑
Guido Gezelle
Dessin à lacunes de Seuphor, 5 avril 19641919
engagement
Suite à l’armistice, en 1919 Seuphor s’engage activement dans le mouvement flamingant. Durant l’Occupation, il s’était abstenu de montrer publiquement ses convictions par refus d’être associé aux activistes qui n’hésitaient pas à profiter de la protection de l’armée allemande pour porter leurs revendications. Il fonde deux petites revues militantes, De Klauwaert – l’homme à la griffe – puis Roeland, et participe aux manifestations flamingantes. La répression policière du 11 juillet 1920, lors de la manifestation commémorative de la Bataille des Éperons d’Or, va le marquer profondément ; sur la Grand-Place d’Anvers, la police montée charge les manifestants, son ami Herman van den Reeck est tué sous ses yeux par un policier, alors que lui-même reçoit deux coups de sabre à la tête.
L’intérêt de Seuphor s’étend très vite au-delà de la Flandre. Alors qu’il enchaîne, sans grand enthousiasme, les essais dans diverses carrières professionnelles, il lit avidement et partage avec ses amis ses découvertes d’auteurs tels que Walt Whitman, Nietzsche, Multatuli, Pascal, Romain Rolland, etc. Il découvre également les philosophies orientales, à travers, notamment, De Geest van China – L’esprit de la Chine – d’Henri Borel, trouvé dans la collection de poche publiée par la Wereldbibliotheek d’Amsterdam. C’est un choc, une ouverture salutaire et mémorable.
« Les études gréco-latines, c’était l’Occident uniquement et, soudain, je compris que le monde a deux parties et qu’il est rond » (Seuphor, Un siècle de liberté, page 19). Ces lectures variées insufflent en lui ce qu’il appellera « les bases définitives de son être moral », lui permettant de se situer dans une quête de l’universel qu’il poursuivra toute sa vie.
•
Seuphor et ses amis anversois : de gauche à droite:
Rang du haut: Marc Edo Tralbaut, Michel Seuphor, Jan de Roover, Lode Krinkels;
Rang du milieu: Leo Steinen, Alice Nahon, Mevr. Stuyts-Lambeaux, Herman Engels, Sylvia de Ridder;
Rang du bas: Geert Pijnenburg, Flora de Lannoy, Magda Stuyts.
Copyright : Archives de Geert Pijnenburg, Letterenhuis d’Anvers, 1921
1919
engagement
Suite à l’armistice, en 1919 Seuphor s’engage activement dans le mouvement flamingant. Durant l’Occupation, il s’était abstenu de montrer publiquement ses convictions par refus d’être associé aux activistes qui n’hésitaient pas à profiter de la protection de l’armée allemande pour porter leurs revendications. Il fonde deux petites revues militantes, De Klauwaert – l’homme à la griffe – puis Roeland, et participe aux manifestations flamingantes. La répression policière du 11 juillet 1920, lors de la manifestation commémorative de la Bataille des Éperons d’Or, va le marquer profondément ; sur la Grand-Place d’Anvers, la police montée charge les manifestants, son ami Herman van den Reeck est tué sous ses yeux par un policier, alors que lui-même reçoit deux coups de sabre à la tête.
L’intérêt de Seuphor s’étend très vite au-delà de la Flandre. Alors qu’il enchaîne, sans grand enthousiasme, les essais dans diverses carrières professionnelles, il lit avidement et partage avec ses amis ses découvertes d’auteurs tels que Walt Whitman, Nietzsche, Multatuli, Pascal, Romain Rolland, etc. Il découvre également les philosophies orientales, à travers, notamment, De Geest van China – L’esprit de la Chine – d’Henri Borel, trouvé dans la collection de poche publiée par la Wereldbibliotheek d’Amsterdam. C’est un choc, une ouverture salutaire et mémorable.
« Les études gréco-latines, c’était l’Occident uniquement et, soudain, je compris que le monde a deux parties et qu’il est rond » (Seuphor, Un siècle de liberté, page 19). Ces lectures variées insufflent en lui ce qu’il appellera « les bases définitives de son être moral », lui permettant de se situer dans une quête de l’universel qu’il poursuivra toute sa vie.
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Seuphor et ses amis anversois : de gauche à droite:
Rang du haut: Marc Edo Tralbaut, Michel Seuphor, Jan de Roover, Lode Krinkels;
Rang du milieu: Leo Steinen, Alice Nahon, Mevr. Stuyts-Lambeaux, Herman Engels, Sylvia de Ridder;
Rang du bas: Geert Pijnenburg, Flora de Lannoy, Magda Stuyts.
Copyright : Archives de Geert Pijnenburg, Letterenhuis d’Anvers, 1921
1921 – 1925
plongeon dans l’art abstrait
Seuphor publie des poèmes dans plusieurs périodiques (« Herleving », « De Smeden », « De Shelde ») et obtient un diplôme de bibliothécaire. Il décide de vendre tous ses livres pour se lancer dans la création et l’édition d’une nouvelle revue : Het Overzicht, consacrée « aux arts, aux lettres et à l’humanité », en collaboration avec son ami Geert Pijnenburg. Le premier numéro paraît le 15 juin 1921, et sera suivi de 24 autres, jusqu’en Mars 1925. D’abord flamingante et littéraire, la revue devient rapidement internationale et avant-gardiste. Dès 1922, elle s’engage dans la promotion de l’art abstrait. Cette transformation fait suite à la découverte du néoplasticisme de Piet Mondrian lors d’une conférence de Théo van Doesburg, co-fondateur de la revue et mouvement De Stijl, à l’Athénée d’Anvers, le 2 décembre 1921. Bouleversé par la découverte des idées de Mondrian, Seuphor décide, le soir même, de changer la ligne éditoriale de sa revue et d’en partager la direction avec le peintre Joseph Peeters. Pour lui, la revue doit impérativement s’ouvrir à cette nouvelle conception des arts qui est aussi une nouvelle conception de l’humanité.
En Décembre 1922, Seuphor effectue un premier voyage important à Berlin, accompagnant Joseph Peeters et sa femme. Il y fait la connaissance, entre autres, du poète Filippo Marinetti (le fondateur du futurisme italien) et de son collègue le peintre abstrait Enrico Prampolini, du peintre hongrois László Moholy-Nagy (bientôt nommé professeur au Bauhaus), du sculpteur russe Naum Gabo, du sculpteur Rudolf Belling ; mais aussi du rédacteur Herwarth Walden, qui dirige alors la revue allemande Der Sturm au centre de l’art moderne berlinois au début des années 1920, et à laquelle Seuphor va contribuer ; de l’architecte Walter Gropius ; du critique engagé Adolf Behne, et de Paul Westheim, le directeur de Das Kunstblatt, un magazine cosmopolite dédié aux artistes vivants. Le magazine s’arrêtera lorsque Westheim s’exilera à l’avènement du Nazisme en 1933.
En avril 1923, dans le but de rencontrer Piet Mondrian, Seuphor effectue son premier voyage à Paris, qui sera suivi de plusieurs autres tout au long de l’année. De sa première visite à l’atelier de Mondrian, il écrira : « Quand je sortis de là, j’avais l’impression d’avoir rencontré, pour la première fois de ma vie, le parfait équilibre humain. La haute idée que j’avais conçue de l’homme et mon admiration pour l’œuvre firent place à quelque chose de différent, une attirance, un sentiment intime, ce que, généralement, on appelle amitié » (Le jeu de je, 1976).
Dès ce premier séjour, il fait aussi connaissance avec l’avant-garde française. Il rencontre notamment le couple d’artistes formé par Robert et Sonia Delaunay, ainsi que de nombreux autres artistes tels que Fernand Léger, Amédée Ozenfant, Albert Gleizes, Mikhail Larionov, Constantin Brancusi, Jacques Lipchitz, Louis Marcoussis, Picasso et les poètes Paul Dermée, Yvan Goll, Céline Arnauld, Tristan Tzara, Joseph Delteil, René Crevel, Jean Cocteau et Blaise Cendrars.
En novembre, il voyage également en Hollande et se lie d’amitié avec les architectes hollandais Hendrik Petrus Berlage et Jacobus Oud, qui deviennent des collaborateurs d’Het Overzicht. Il visite aussi la collection Kröller qui deviendra plus tard le musée Kröller-Müller à Otterlo, et séjourne à Amsterdam chez le peintre et poète Albert Carel Willink. Het Overzicht reflète ces rencontres internationales. On y voit défiler les noms de toute l’avant-garde européenne, avec des articles, poèmes ou reproductions d’œuvres de Delaunay, Prampolini, Marinetti, Tzara, Kandinsky, Dermée, Goll, Picasso, Malespine, Huidobro, Prokofieff, Manuel de Falla, Russolo, Belling, Walden, Larionov, Gontcharova, Gleizes, Fernand Léger, Ernst Kállai, Kurt Schwitters, Péri, Soupault, Juan Gris, Picasso, Kassak, Moholy-Nagy, Dexel, Oud, Berlage, Huszar, Guillermo De Torre, Cangiullo, Behrens Hangeler, Servranckx, Mesens, Joseph Peeters, Maes, De Boeck, Van Ostaijen, Victor Bourgeois, Maurice Casteels, Louis van der Swaelmen, Gaston Burssens, Paul joostens, etc. Ces relations internationales nourrissent les aspirations de Seuphor à l’universalisme, l’éloignant définitivement du flamingantisme.
Fin 1923 et début 1924, plusieurs poèmes de Seuphor paraissent dans Der Sturm, en néerlandais et en traduction allemande. Il voyage beaucoup en France, à Menton dans le sud, allant même jusqu’à Tunis, et plusieurs fois à Paris. Il assiste au mariage de Paul Joostens avec Mado, ce qui lui inspire Mariage filmé, un récit qui s’inscrit dans la mouvance dadaïste.
Seuphor publie également ses œuvres littéraires dans Het Overzicht, où il expérimente aussi avec la typographie. Il invite Kurt Schwitters, dont il a découvert et admire la poésie, à collaborer à Het Overzicht. Sa poésie elle-même évolue ; elle accorde une plus grande importance aux mots, au rythme de la phrase et à la musicalité. Ses écrits les plus représentatifs montrent aussi l’importance grandissante de la France : par exemple Te Parijs in trombe, un texte en néerlandais accompagné d’un dessin de Delaunay, et Seuphor en or, qui paraît avec une couverture de Schwitters.
Entre temps, à Anvers, des difficultés voient le jour dans sa collaboration avec Peeters, qui se tourne vers Paul van Ostaijen et Eddy du Perron. Après la parution des numéros 22-23-24, de Het Overzicht, sous le titre Cabaret, en mars 1925, la discorde avec Peeters s’accentue au point que Seuphor décide de rompre leur collaboration et d’aller s’installer à Paris.
1921 – 1925
plongeon dans l’art abstrait
Seuphor publie des poèmes dans plusieurs périodiques (« Herleving », « De Smeden », « De Shelde ») et obtient un diplôme de bibliothécaire. Il décide de vendre tous ses livres pour se lancer dans la création et l’édition d’une nouvelle revue : Het Overzicht, consacrée « aux arts, aux lettres et à l’humanité », en collaboration avec son ami Geert Pijnenburg. Le premier numéro paraît le 15 juin 1921, et sera suivi de 24 autres, jusqu’en Mars 1925. D’abord flamingante et littéraire, la revue devient rapidement internationale et avant-gardiste. Dès 1922, elle s’engage dans la promotion de l’art abstrait. Cette transformation fait suite à la découverte du néoplasticisme de Piet Mondrian lors d’une conférence de Théo van Doesburg, co-fondateur de la revue et mouvement De Stijl, à l’Athénée d’Anvers, le 2 décembre 1921. Bouleversé par la découverte des idées de Mondrian, Seuphor décide, le soir même, de changer la ligne éditoriale de sa revue et d’en partager la direction avec le peintre Joseph Peeters. Pour lui, la revue doit impérativement s’ouvrir à cette nouvelle conception des arts qui est aussi une nouvelle conception de l’humanité.
En Décembre 1922, Seuphor effectue un premier voyage important à Berlin, accompagnant Joseph Peeters et sa femme. Il y fait la connaissance, entre autres, du poète Filippo Marinetti (le fondateur du futurisme italien) et de son collègue le peintre abstrait Enrico Prampolini, du peintre hongrois László Moholy-Nagy (bientôt nommé professeur au Bauhaus), du sculpteur russe Naum Gabo, du sculpteur Rudolf Belling ; mais aussi du rédacteur Herwarth Walden, qui dirige alors la revue allemande Der Sturm au centre de l’art moderne berlinois au début des années 1920, et à laquelle Seuphor va contribuer ; de l’architecte Walter Gropius ; du critique engagé Adolf Behne, et de Paul Westheim, le directeur de Das Kunstblatt, un magazine cosmopolite dédié aux artistes vivants. Le magazine s’arrêtera lorsque Westheim s’exilera à l’avènement du Nazisme en 1933.
En avril 1923, dans le but de rencontrer Piet Mondrian, Seuphor effectue son premier voyage à Paris, qui sera suivi de plusieurs autres tout au long de l’année. De sa première visite à l’atelier de Mondrian, il écrira : « Quand je sortis de là, j’avais l’impression d’avoir rencontré, pour la première fois de ma vie, le parfait équilibre humain. La haute idée que j’avais conçue de l’homme et mon admiration pour l’œuvre firent place à quelque chose de différent, une attirance, un sentiment intime, ce que, généralement, on appelle amitié » (Le jeu de je, 1976).
Dès ce premier séjour, il fait aussi connaissance avec l’avant-garde française. Il rencontre notamment le couple d’artistes formé par Robert et Sonia Delaunay, ainsi que de nombreux autres artistes tels que Fernand Léger, Amédée Ozenfant, Albert Gleizes, Mikhail Larionov, Constantin Brancusi, Jacques Lipchitz, Louis Marcoussis, Picasso et les poètes Paul Dermée, Yvan Goll, Céline Arnauld, Tristan Tzara, Joseph Delteil, René Crevel, Jean Cocteau et Blaise Cendrars.
En novembre, il voyage également en Hollande et se lie d’amitié avec les architectes hollandais Hendrik Petrus Berlage et Jacobus Oud, qui deviennent des collaborateurs d’Het Overzicht. Il visite aussi la collection Kröller qui deviendra plus tard le musée Kröller-Müller à Otterlo, et séjourne à Amsterdam chez le peintre et poète Albert Carel Willink. Het Overzicht reflète ces rencontres internationales. On y voit défiler les noms de toute l’avant-garde européenne, avec des articles, poèmes ou reproductions d’œuvres de Delaunay, Prampolini, Marinetti, Tzara, Kandinsky, Dermée, Goll, Picasso, Malespine, Huidobro, Prokofieff, Manuel de Falla, Russolo, Belling, Walden, Larionov, Gontcharova, Gleizes, Fernand Léger, Ernst Kállai, Kurt Schwitters, Péri, Soupault, Juan Gris, Picasso, Kassak, Moholy-Nagy, Dexel, Oud, Berlage, Huszar, Guillermo De Torre, Cangiullo, Behrens Hangeler, Servranckx, Mesens, Joseph Peeters, Maes, De Boeck, Van Ostaijen, Victor Bourgeois, Maurice Casteels, Louis van der Swaelmen, Gaston Burssens, Paul joostens, etc. Ces relations internationales nourrissent les aspirations de Seuphor à l’universalisme, l’éloignant définitivement du flamingantisme.
Fin 1923 et début 1924, plusieurs poèmes de Seuphor paraissent dans Der Sturm, en néerlandais et en traduction allemande. Il voyage beaucoup en France, à Menton dans le sud, allant même jusqu’à Tunis, et plusieurs fois à Paris. Il assiste au mariage de Paul Joostens avec Mado, ce qui lui inspire Mariage filmé, un récit qui s’inscrit dans la mouvance dadaïste.
Seuphor publie également ses œuvres littéraires dans Het Overzicht, où il expérimente aussi avec la typographie. Il invite Kurt Schwitters, dont il a découvert et admire la poésie, à collaborer à Het Overzicht. Sa poésie elle-même évolue ; elle accorde une plus grande importance aux mots, au rythme de la phrase et à la musicalité. Ses écrits les plus représentatifs montrent aussi l’importance grandissante de la France : par exemple Te Parijs in trombe, un texte en néerlandais accompagné d’un dessin de Delaunay, et Seuphor en or, qui paraît avec une couverture de Schwitters.
Entre temps, à Anvers, des difficultés voient le jour dans sa collaboration avec Peeters, qui se tourne vers Paul van Ostaijen et Eddy du Perron. Après la parution des numéros 22-23-24, de Het Overzicht, sous le titre Cabaret, en mars 1925, la discorde avec Peeters s’accentue au point que Seuphor décide de rompre leur collaboration et d’aller s’installer à Paris.
1925 – 1928
l’avant-garde européenne
Arrivé à Paris, Seuphor survit pauvrement et loge à différentes adresses, notamment l’Hôtel Monaco, rue Champollion, ou chez le peintre tchèque Zravy, avenue de Clichy, mais également, pendant quelques temps, à l’Armée du salut. Pour surmonter une mauvaise angine qui traîne, sur les conseils de Théo Van Doesburg, (avec lequel, ainsi que Paul Dermée et Céline Arnauld, il est alors question de créer une nouvelle revue intitulée Code, qui ne verra pas le jour), il passe l’été 1925 à l’Hostellerie des Cormorans à Kervilahouen (Belle-Isle-en-mers), tenue par Monsieur Ratel, ami et protecteur des artistes. Ce séjour lui permet d’écrire ses premiers poèmes de musique verbale qui seront édités en 1926 dans le recueil Diaphragme intérieur et un drapeau. À la fin de l’année, il part pour Menton, où il rencontre George Vantongerloo et apprend l’italien pour préparer un voyage à Naples.
Début 1926, Seuphor part en Italie. Il visite Paestum, Naples, Rome et Venise. Il retrouve certains futuristes rencontrés à Berlin et conforte sa relation avec certaines personnes du groupe dont Cangiullo, Marinetti, Prampolini et Balla. Seuphor espérait intéresser Marinetti à rejoindre un projet de congrès mondial d’art moderne, mais il échoue. Cependant, son séjour à Rome lui inspire, stimulé par Balla, l’écriture de L’éphémère est éternel, une pièce de théâtre anti-théâtre, pour laquelle Mondrian, auquel il donne le texte à lire dès son retour à Paris, compose une maquette des décors. Malheureusement, la première représentation de la pièce, prévue à Lyon, est annulée à la dernière minute. Il faudra attendre 1968 pour qu’elle soit montée pour la première fois à Milan en italien, par le groupe expérimental Il Parametro, puis encore une décennie pour qu’elle soit montée dans sa version française originale, à Paris, au centre George Pompidou, en 1977.
De retour à Paris après un passage à Budapest, Seuphor subsiste tout juste grâce à un travail de traduction de programmes radiophoniques étrangers pour des journaux parisiens, obtenu par l’intermédiaire de Paul Dermée. Son ambition reste cependant de créer de nouvelles revues. En octobre, il fait une rencontre majeure, celle de Hans Arp (qui signera Jean Arp à dater de l’avènement du Nazisme) et de Sophie Taeuber qui, avec Mondrian, deviendront ses amis intimes. Ils lui offrent un appareil photo pour l’aider à gagner sa vie en faisant des portraits mais ce qui l’intéresse, c’est le regard du photographe, pas le sujet. C’est ainsi qu’il pilote, dans Paris, le jeune photographe hongrois André Kertész et expérimente lui-même avec la photographie. À cette époque, il commence aussi à peindre des gouaches néoplastiques. Néanmoins, son énergie est principalement dédiée à la préparation, avec Paul Dermée et Enrico Prampolini, d’une nouvelle revue intitulée Les documents internationaux de l’esprit nouveau.
Le premier et unique exemplaire (faute de financement pour les numéros suivants) paraît en 1927. Pour promouvoir cette initiative, Seuphor et Dermée organisent une série de onze soirées littéraires dans la galerie parisienne Le Sacre du Printemps, au 5 rue du Cherche-Midi. Très vite populaires, ces soirées réunissent des artistes de l’avant-garde européenne tels que Russolo, Pevsner, Mondrian, Léger, les Delaunay, Arp, Marinetti, Tzara, Cocteau, Cendrars, Delteil, Goll, Charchoune, Walden et d’autres. Seuphor y récite pour la première fois des poèmes de musique verbale tels que « Tout en roulant les « R »», qui sont incorporés dans l’ouvrage Lecture élémentaire publié en 1928. Le Sacre du printemps accueille également une exposition dans laquelle Seuphor et Dermée réunissent les œuvres de la hongroise Ida Thal, du belge Victor Delhez, du typographe et écrivain hollandais Hendrik Nicolaas Werkman et des photos d’André Kertesz. Début juin 1927, le propriétaire de la galerie leur notifie sa volonté d’interrompre ces soirées à la suite des plaintes du voisinage.
En septembre, Seuphor décide cependant de quitter le milieu parisien pour une escapade en Espagne. Après une escale d’un mois à Collioure sur la côte méditerranéenne, où il rencontre le peintre Léopold Survage, il séjourne en Espagne d’octobre à décembre. Il y découvre l’artiste de la renaissance El Greco. Il se prend de passion pour son œuvre et rédige de nombreuses notes qui seront à l’origine de Greco, son premier ouvrage sur l’art. Cet ouvrage est écrit en juin 1928 lors d’un nouveau séjour à Menton sur invitation de son amie Ingeborg Bjarnason, au cours duquel il partage une maison avec le photographe Fritz Glarner qu’il a rencontré et beaucoup fréquenté à Paris. Il l’a d’ailleurs introduit auprès de Mondrian, et Glarner sera l’un des disciples et amis du peintre lors des dernières années de sa vie passées à New York durant la seconde guerre mondiale. Seuphor publiera le Greco lui-même en créant les éditions Tendances Nouvelles en 1931. De retour à Paris en décembre 1927, Seuphor redevient traducteur d’émissions radiophoniques, mais cela ne l’empêche pas de continuer ses voyages à travers l’Europe pour rencontrer les personnalités des avant-gardes européennes notamment à Prague, Venise, Brno, Berlin. Il visite notamment le Bauhaus à Dessau. Dans le même temps, sa profonde amitié avec Mondrian, qu’il voit quotidiennement, mène à la création de Textuel, un tableau composé par Mondrian avec un poème de Seuphor et offert à ce dernier.
1925 – 1928
l’avant-garde européenne
Arrivé à Paris, Seuphor survit pauvrement et loge à différentes adresses, notamment l’Hôtel Monaco, rue Champollion, ou chez le peintre tchèque Zravy, avenue de Clichy, mais également, pendant quelques temps, à l’Armée du salut. Pour surmonter une mauvaise angine qui traîne, sur les conseils de Théo Van Doesburg, (avec lequel, ainsi que Paul Dermée et Céline Arnauld, il est alors question de créer une nouvelle revue intitulée Code, qui ne verra pas le jour), il passe l’été 1925 à l’Hostellerie des Cormorans à Kervilahouen (Belle-Isle-en-mers), tenue par Monsieur Ratel, ami et protecteur des artistes. Ce séjour lui permet d’écrire ses premiers poèmes de musique verbale qui seront édités en 1926 dans le recueil Diaphragme intérieur et un drapeau. À la fin de l’année, il part pour Menton, où il rencontre George Vantongerloo et apprend l’italien pour préparer un voyage à Naples.
Début 1926, Seuphor part en Italie. Il visite Paestum, Naples, Rome et Venise. Il retrouve certains futuristes rencontrés à Berlin et conforte sa relation avec certaines personnes du groupe dont Cangiullo, Marinetti, Prampolini et Balla. Seuphor espérait intéresser Marinetti à rejoindre un projet de congrès mondial d’art moderne, mais il échoue. Cependant, son séjour à Rome lui inspire, stimulé par Balla, l’écriture de L’éphémère est éternel, une pièce de théâtre anti-théâtre, pour laquelle Mondrian, auquel il donne le texte à lire dès son retour à Paris, compose une maquette des décors. Malheureusement, la première représentation de la pièce, prévue à Lyon, est annulée à la dernière minute. Il faudra attendre 1968 pour qu’elle soit montée pour la première fois à Milan en italien, par le groupe expérimental Il Parametro, puis encore une décennie pour qu’elle soit montée dans sa version française originale, à Paris, au centre George Pompidou, en 1977.
De retour à Paris après un passage à Budapest, Seuphor subsiste tout juste grâce à un travail de traduction de programmes radiophoniques étrangers pour des journaux parisiens, obtenu par l’intermédiaire de Paul Dermée. Son ambition reste cependant de créer de nouvelles revues. En octobre, il fait une rencontre majeure, celle de Hans Arp (qui signera Jean Arp à dater de l’avènement du Nazisme) et de Sophie Taeuber qui, avec Mondrian, deviendront ses amis intimes. Ils lui offrent un appareil photo pour l’aider à gagner sa vie en faisant des portraits mais ce qui l’intéresse, c’est le regard du photographe, pas le sujet. C’est ainsi qu’il pilote, dans Paris, le jeune photographe hongrois André Kertész et expérimente lui-même avec la photographie. À cette époque, il commence aussi à peindre des gouaches néoplastiques. Néanmoins, son énergie est principalement dédiée à la préparation, avec Paul Dermée et Enrico Prampolini, d’une nouvelle revue intitulée Les documents internationaux de l’esprit nouveau.
Le premier et unique exemplaire (faute de financement pour les numéros suivants) paraît en 1927. Pour promouvoir cette initiative, Seuphor et Dermée organisent une série de onze soirées littéraires dans la galerie parisienne Le Sacre du Printemps, au 5 rue du Cherche-Midi. Très vite populaires, ces soirées réunissent des artistes de l’avant-garde européenne tels que Russolo, Pevsner, Mondrian, Léger, les Delaunay, Arp, Marinetti, Tzara, Cocteau, Cendrars, Delteil, Goll, Charchoune, Walden et d’autres. Seuphor y récite pour la première fois des poèmes de musique verbale tels que « Tout en roulant les « R », qui sont incorporés dans l’ouvrage Lecture élémentaire publié en 1928. Le Sacre du printemps accueille également une exposition dans laquelle Seuphor et Dermée réunissent les œuvres de la hongroise Ida Thal, du belge Victor Delhez, du typographe et écrivain hollandais Hendrik Nicolaas Werkman et des photos d’André Kertesz. Début juin 1927, le propriétaire de la galerie leur notifie sa volonté d’interrompre ces soirées à la suite des plaintes du voisinage.
En septembre, Seuphor décide cependant de quitter le milieu parisien pour une escapade en Espagne. Après une escale d’un mois à Collioure sur la côte méditerranéenne, où il rencontre le peintre Léopold Survage, il séjourne en Espagne d’octobre à décembre. Il y découvre l’artiste de la renaissance El Greco. Il se prend de passion pour son œuvre et rédige de nombreuses notes qui seront à l’origine de Greco, son premier ouvrage sur l’art. Cet ouvrage est écrit en juin 1928 lors d’un nouveau séjour à Menton sur invitation de son amie Ingeborg Bjarnason, au cours duquel il partage une maison avec le photographe Fritz Glarner qu’il a rencontré et beaucoup fréquenté à Paris. Il l’a d’ailleurs introduit auprès de Mondrian, et Glarner sera l’un des disciples et amis du peintre lors des dernières années de sa vie passées à New York durant la seconde guerre mondiale. Seuphor publiera le Greco lui-même en créant les éditions Tendances Nouvelles en 1931. De retour à Paris en décembre 1927, Seuphor redevient traducteur d’émissions radiophoniques, mais cela ne l’empêche pas de continuer ses voyages à travers l’Europe pour rencontrer les personnalités des avant-gardes européennes notamment à Prague, Venise, Brno, Berlin. Il visite notamment le Bauhaus à Dessau. Dans le même temps, sa profonde amitié avec Mondrian, qu’il voit quotidiennement, mène à la création de Textuel, un tableau composé par Mondrian avec un poème de Seuphor et offert à ce dernier.
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Tout en roulant les "R"
de et par Michel Seuphor,enregistrement de 1996•
Vernissage de l’exposition Cercle et Carré
De gauche à droite : Seuphor, Vera Idelson, Georges Vantongerloo, Pierre Daura (derrière), Marcelle Cahn, Franciska Clausen,Florence Henri (derrière Clausen), Werkman, Sophie Taeuber-Arp, Ingeborg Bjarnason, Jean Arp, Piet Mondrian (derrière Arp),Nadia Chodasiewicz-Grabowska, Luigi Russolo, Wanda Wolska, Joaquín Torres García (au milieu en avant), Friedrich Vordemberge-Gildewart (à la droite de Torres García), Stefan Mosczyrisi, Jean Gorin, Manolita Piña de Torres García et Germán Cueto
1929 – 1930
cercle et carré
En 1929, Seuphor fait la rencontre du peintre Joachim Torres García à la galerie Povolotzky, où il organise une exposition d’œuvres de Vordemberge-Gildewart. Seuphor l’invite à rejoindre les réunions informelles avec Mondrian, Russolo, Vantongerloo et parfois aussi Arp et Sophie Taeuber, qui se tiennent tous les dimanches dans le petit appartement qu’il habite alors avec son amie Ingeborg Bjarnason à Vanves, en banlieue parisienne. Torres García et Seuphor sont réunis par la volonté partagée par tous les membres du groupe et par Theo Van Doesburg, -qu’ils invitent mais qui préfère créer son propre groupe, plus radical, Art Concret –, de s’opposer et de défendre une alternative à la domination du mouvement surréaliste mené par André Breton.
Cette même année 1929, Seuphor accepte une commande d’écriture pour la réalisation d’un livre d’art sur la peinture en Flandre, avec une promesse de rémunération de 3000 francs qui tombe à point mais repousse ses projets de groupe. Il passe le mois de juillet en Belgique pour visiter les ateliers d’artistes et écrire le manuscrit de Un renouveau de la peinture en Belgique Flamande. Cependant, l’éditeur, Szytya, prétexte un résultat bien trop touffu par rapport à celui qu’il attendait. En réalité, il a fait faillite et ne le paiera ni ne le publiera jamais (Seuphor publiera lui-même son livre en 1932, à travers sa petite maison d’édition Tendances Nouvelle).
Sa vie matérielle est extrêmement difficile. Pour survivre, Seuphor fait des photos-portraits de ses amis artistes. Il dessine et portraitise constamment, comme le montrent ses croquis des artistes dans le Renouveau de la peinture en Belgique flamande. C’est à cette époque qu’il réalise aussi plusieurs gouaches néoplastiques. Cependant, il les jugera trop proches du style de Mondrian et abandonnera cette direction plastique rapidement.
À partir de l’automne 1929, le nombre d’artistes impliqué dans le projet de groupe d’avant-garde s’élargit. Les contacts et amitiés que Seuphor avait noués, de par le monde, à travers Het Overzicht et les soirées au Sacre du Printemps, apportent plusieurs collaborations, notamment celles de Vantongerloo, Hans Arp, Sophie Taeuber, Mondrian, Baumeister, Moholy-Nagy, Kurt Schwitters et Kandinsky. Début décembre 1929, le groupe se déplace à la brasserie Lipp. Mais Seuphor trouve le lieu trop bruyant et, à partir de fin janvier, le groupe de 20 à 30 personnes (beaucoup plus de membres sont à l’étranger) occupe une salle du premier étage du Café Voltaire, place de l’Odéon. Étonnante coïncidence pour les membres qui, comme Arp et Sophie Taeuber ont été parmi les premiers dadaïstes au Cabaret Voltaire de Zürich en 1916.
En février 1930, après de longues et tumultueuses discussions, le nom de Cercle et Carré, proposé par Seuphor, est finalement adopté, avec un logo créé par le peintre Daura et l’accord tacite que ce que l’on mettait derrière ce titre serait discuté plus tard. Le groupe confie à Seuphor l’édition d’une revue du même nom. En effet, en plus de l’expérience, il possède un talent d’écriture et la langue française qui manque aux artistes du groupe, pour la plupart des étrangers. Trois numéros paraîtront entre mars et mai 1930 grâce à la collaboration des Mickum, un couple franco-polonais propriétaire de la petite imprimerie Ognisko, ralliés au projet par l’intermédiaire du poète Jan Brzekowski, co-éditeur de la revue bilingue l’art contemporain (qui est imprimée là-bas) et contributeur aux numéros 2 et 3 de Cercle et Carré.
Un projet qui très tôt fédère les membres du groupe est celui d’exposition, qui est concrétisé en avril 1930, à la Galerie 23, rue de la Boétie. Cinquante artistes du groupe, dont Arp, Schwitters, Mondrian, Kandinsky, Baumeister, Charchoune, Huszar, Le Corbusier, Léger, Ozenfant, Pevsner, Stazewski, Vordemberge-Gildewart, Sophie Taeuber, Marcelle Cahn, Werkman, Vantongerloo, Gorin, Sartoris, Torrès-Garcia, y exposent cent trente œuvres. Le jour de la fermeture, Seuphor prononce une conférence sur la Poétique Nouvelle. Il l’illustre de ses poèmes, qu’il déclame derrière un masque porte-voix en métal imaginé et forgé par Cueto, cela sur un fond sonore improvisé par Russolo sur son Russolophone. Cette conférence attire une foule et rencontre un fort succès, ce qui contraste avec le reste de l’exposition qui eut très peu de visiteurs. Un large extrait sera publié dans le troisième numéro de Cercle et Carré qui paraît en juin 1930. Les réunions du groupe se poursuivent de nouveau à la Brasserie Lipp suite à la fermeture du café Voltaire jusqu’à l’été, mais Torrès-Garcia se retire, en désaccord avec l’orientation théorique que Seuphor a suivi dans la revue.
Alors qu’il prépare le quatrième numéro et qu’il envisage avec Paul Dermée l’édition d’une nouvelle revue d’information artistique qui se serait intitulée Les jours de l’art, Seuphor, tombe gravement malade d’une pleurésie à l’automne 1930 et frôle la mort. Il reste d’abord alité à Paris pendant deux mois, puis ses amis se cotisent pour l’envoyer dans un hôtel-sanatorium à Grasse. Pendant quatre mois, il côtoie quotidiennement la mort. Il en sort vivant, mais profondément transformé. À son retour à Paris en mai 1931, il doit affronter une situation très difficile : suite à leur séparation, son amie Ingeborg est partie et a vidé l’appartement de Vanves. Il apprend aussi en même temps la mort de Théo van Doesburg, et la formation d’un nouveau groupe, Abstraction-Création, notamment par l’action de Georges Vantongerloo, qui a récupéré tous ses contacts durant son absence.
1929 – 1931
cercle et carré
En 1929, Seuphor fait la rencontre du peintre Joachim Torres García à la galerie Povolotzky, où il organise une exposition d’œuvres de Vordemberge-Gildewart. Seuphor l’invite à rejoindre les réunions informelles avec Mondrian, Russolo, Vantongerloo et parfois aussi Arp et Sophie Taeuber, qui se tiennent tous les dimanches dans le petit appartement qu’il habite alors avec son amie Ingeborg Bjarnason à Vanves, en banlieue parisienne. Torres García et Seuphor sont réunis par la volonté partagée par tous les membres du groupe et par Theo Van Doesburg, -qu’ils invitent mais qui préfère créer son propre groupe, plus radical, Art Concret –, de s’opposer et de défendre une alternative à la domination du mouvement surréaliste mené par André Breton.
Cette même année 1929, Seuphor accepte une commande d’écriture pour la réalisation d’un livre d’art sur la peinture en Flandre, avec une promesse de rémunération de 3000 francs qui tombe à point mais repousse ses projets de groupe. Il passe le mois de juillet en Belgique pour visiter les ateliers d’artistes et écrire le manuscrit de Un renouveau de la peinture en Belgique Flamande. Cependant, l’éditeur, Szytya, prétexte un résultat bien trop touffu par rapport à celui qu’il attendait. En réalité, il a fait faillite et ne le paiera ni ne le publiera jamais (Seuphor publiera lui-même son livre en 1932, à travers sa petite maison d’édition Tendances Nouvelle).
Sa vie matérielle est extrêmement difficile. Pour survivre, Seuphor fait des photos-portraits de ses amis artistes. Il dessine et portraitise constamment, comme le montrent ses croquis des artistes dans le Renouveau de la peinture en Belgique flamande. C’est à cette époque qu’il réalise aussi plusieurs gouaches néoplastiques. Cependant, il les jugera trop proches du style de Mondrian et abandonnera cette direction plastique rapidement.
À partir de l’automne 1929, le nombre d’artistes impliqué dans le projet de groupe d’avant-garde s’élargit. Les contacts et amitiés que Seuphor avait noués, de par le monde, à travers Het Overzicht et les soirées au Sacre du Printemps, apportent plusieurs collaborations, notamment celles de Vantongerloo, Hans Arp, Sophie Taeuber, Mondrian, Baumeister, Moholy-Nagy, Kurt Schwitters et Kandinsky. Début décembre 1929, le groupe se déplace à la brasserie Lipp. Mais Seuphor trouve le lieu trop bruyant et, à partir de fin janvier, le groupe de 20 à 30 personnes (beaucoup plus de membres sont à l’étranger) occupe une salle du premier étage du Café Voltaire, place de l’Odéon. Étonnante coïncidence pour les membres qui, comme Arp et Sophie Taeuber ont été parmi les premiers dadaïstes au Cabaret Voltaire de Zürich en 1916.
En février 1930, après de longues et tumultueuses discussions, le nom de Cercle et Carré, proposé par Seuphor, est finalement adopté, avec un logo créé par le peintre Daura et l’accord tacite que ce que l’on mettait derrière ce titre serait discuté plus tard. Le groupe confie à Seuphor l’édition d’une revue du même nom. En effet, en plus de l’expérience, il possède un talent d’écriture et la langue française qui manque aux artistes du groupe, pour la plupart des étrangers. Trois numéros paraîtront entre mars et mai 1930 grâce à la collaboration des Mickum, un couple franco-polonais propriétaire de la petite imprimerie Ognisko, ralliés au projet par l’intermédiaire du poète Jan Brzekowski, co-éditeur de la revue bilingue l’art contemporain (qui est imprimée là-bas) et contributeur aux numéros 2 et 3 de Cercle et Carré.
Un projet qui très tôt fédère les membres du groupe est celui d’exposition, qui est concrétisé en avril 1930, à la Galerie 23, rue de la Boétie. Cinquante artistes du groupe, dont Arp, Schwitters, Mondrian, Kandinsky, Baumeister, Charchoune, Huszar, Le Corbusier, Léger, Ozenfant, Pevsner, Stazewski, Vordemberge-Gildewart, Sophie Taeuber, Marcelle Cahn, Werkman, Vantongerloo, Gorin, Sartoris, Torrès-Garcia, y exposent cent trente œuvres. Le jour de la fermeture, Seuphor prononce une conférence sur la Poétique Nouvelle. Il l’illustre de ses poèmes, qu’il déclame derrière un masque porte-voix en métal imaginé et forgé par Cueto, cela sur un fond sonore improvisé par Russolo sur son Russolophone. Cette conférence attire une foule et rencontre un fort succès, ce qui contraste avec le reste de l’exposition qui eut très peu de visiteurs. Un large extrait sera publié dans le troisième numéro de Cercle et Carré qui paraît en juin 1930. Les réunions du groupe se poursuivent de nouveau à la Brasserie Lipp suite à la fermeture du café Voltaire jusqu’à l’été, mais Torrès-Garcia se retire, en désaccord avec l’orientation théorique que Seuphor a suivi dans la revue.
Alors qu’il prépare le quatrième numéro et qu’il envisage avec Paul Dermée l’édition d’une nouvelle revue d’information artistique qui se serait intitulée Les jours de l’art, Seuphor, tombe gravement malade d’une pleurésie à l’automne 1930 et frôle la mort. Il reste d’abord alité à Paris pendant deux mois, puis ses amis se cotisent pour l’envoyer dans un hôtel-sanatorium à Grasse. Pendant quatre mois, il côtoie quotidiennement la mort. Il en sort vivant, mais profondément transformé. À son retour à Paris en mai 1931, il doit affronter une situation très difficile : suite à leur séparation, son amie Ingeborg est partie et a vidé l’appartement de Vanves. Il apprend aussi en même temps la mort de Théo van Doesburg, et la formation d’un nouveau groupe, Abstraction-Création, notamment par l’action de Georges Vantongerloo, qui a récupéré tous ses contacts durant son absence.
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Vernissage de l’exposition Cercle et Carré
De gauche à droite : Seuphor, Vera Idelson, Georges Vantongerloo, Pierre Daura (derrière), Marcelle Cahn, Franciska Clausen,Florence Henri (derrière Clausen), Werkman, Sophie Taeuber-Arp, Ingeborg Bjarnason, Jean Arp, Piet Mondrian (derrière Arp),Nadia Chodasiewicz-Grabowska, Luigi Russolo, Wanda Wolska, Joaquín Torres García (au milieu en avant), Friedrich Vordemberge-Gildewart (à la droite de Torres García), Stefan Mosczyrisi, Jean Gorin, Manolita Piña de Torres García et Germán Cueto
1930 – 1934
conversion et mariage
De retour à Paris, Seuphor retrouve du travail (comme correcteur), amitié et santé grâce aux Mickum, qui avait imprimé Cercle et Carré, et qui le sauvent de la famine. Seuphor y imprime sur leurs presses son ouvrage le Greco, qu’il publie avec la maison d’édition qu’il crée pour publier ses ouvrages, Les tendances nouvelles, et qui rencontre un certain succès. Seuphor contribue aussi activement, avec Jan Brzekowski, à la constitution d’une des premières sections muséales d’art abstrait au musée de Lódz, notamment en donnant des œuvres de sa collection personnelle. Il participe brièvement à Abstraction-Création en produisant un texte pour le premier numéro de la revue qui paraît en 1932. Un renouveau de la peinture en Belgique Flamande paraît un peu plus tard au cours de l’année et provoque de vives réactions en Belgique, dont une rupture définitive d’amitié avec Paul Joostens.
Pour des raisons qu’il ne connaîtra jamais, Seuphor doit quitter l’imprimerie. Il retrouve un emploi comme convoyeur de machines à laver grâce à son ami poète suisse Aloïs Bataillard. C’est une période de disette où il lui arrive souvent de devoir se passer de manger pendant plusieurs jours consécutifs. Pourtant, il porte en lui l’écriture d’un livre réunissant ses premiers essais sur la métaphysique de l’art et dont il a déjà le titre Le style et le cri. En juin 1932, il renonce donc à son travail pour une invitation, promesse d’une résidence d’écriture de six semaines, au château de la Sarraz, en Suisse. Cependant, grosse déception pour lui, la propriétaire du lieu s’oppose à tout travail de ses hôtes. Ce n’est qu’après une errance de plusieurs mois qu’un séjour de novembre 1932 à février 1933, à Vevey en Suisse, chez le docteur Miéville, ami de l’architecte Alberto Sartoris, lui permet de travailler enfin à son livre.
Seuphor écrit intensément pendant trois mois, et le soir, pour se délasser, il laisse sa plume dériver sur ses feuilles blanches, tout à la fois envahi par la fatigue et la fumée de son cigare. C’est dans cette atmosphère qu’apparaissent ses premiers dessins unilinéaires. Sartoris les découvre un jour et se les fait confier par Seuphor pour les exposer à la galerie Manassero de Lausanne, au sein d’une exposition qui lui est consacrée en réponse au scandale que son architecture aux lignes modernistes, sobres et pures, de l’Eglise de Lourtier, a déclenché. Seuphor contribue activement à la défense de cette architecture mal accueillie en écrivant et publiant Sartoris, Architecture du sentiment.
Sartoris, quant à lui, préface l’exposition des dessins de Seuphor d’un texte intitulé De la Plume qui sert à bien des choses. Le livre de Seuphor, cependant, ne paraîtra jamais dans la forme où il l’avait écrit. Seuls des extraits remaniés en seront publiés, tels que l’article Le cri du temps présent édité dans la revue Esprit en 1933, Style publié par la revue suisse Nova Vetera en 1934 et, Le cri est dans le Cœur, publié en 1945 dans la revue Résurrection.
Seuphor ne gagne pas de quoi subvenir à ses besoins et doit à l’amitié et l’admiration de quelques personnes pour ses écrits de poursuivre ses voyages, recherchant sans cesse le bon endroit pour écrire. Ses déceptions sont nombreuses, comme par exemple son séjour à Moly-Sabata (région de Lyon), qu’il écourte dégoûté par les discours de caste et pronazis de ses hôtes. C’est cependant là qu’il se lie d’amitié avec Jacques Plasse, son futur beau-frère. Dès son retour à Paris, il se rend chez les parents de Jacques pour leur donner des nouvelles de leur fils. Les parents Plasse sont accueillants et sympathisent aussitôt avec le jeune poète qu’ils invitent à leur table. De là va se nouer une amitié profonde avec leur seconde fille, Suzanne.
À Paris, Seuphor loge plusieurs mois durant dans une misérable chambrette de l’hôtel du Luxembourg, mitoyenne de celle du poète Edmond Humeau, qui se révèle connaisseur et admirateur de ses écrits. Humeau lui échange son missel de 2514 pages contre un exemplaire de Lecture élémentaire. Suzanne Plasse, devenue fervente admiratrice de Seuphor, le dépanne en tapant ses textes sur sa machine à écrire, lui apporte sa fraîcheur, sa gaîté et souvent aussi des plats préparés chez elle. À cette époque, Seuphor apprend également la mort prématurée d’Alice Nahon, la poétesse flamande avec laquelle il avait vécu une romance au début des années vingt, et avec laquelle il avait repris contact durant son séjour à Grasse.
Un changement profond s’opère en Seuphor durant ces années de tribulations et de misère matérielle.
« J’étais entré dans une phase tout à fait particulière de ma vie, dans ce sanatorium déguisé de Grasse et m’orientais vers ce que Bergson appelait ʺ l’immanence de la transcendance ʺ. La lecture de Schopenhauer m’avait beaucoup appris ainsi que le bouddhisme et les sages de la Chine, Lao Tseu, Tchouang Tseu. Il s’opérait peu à peu en moi une désaffection totale de la vie extérieure ». (Une vie à angle droit, 1988)
Avec pour seul livre le volumineux missel d’Edmond Humeau, Seuphor passe l’été 1933 à Théoule-sur-mer chez le philosophe néerlandais et ami de Mondrian, Louis Hoyack. Malgré des divergences d’opinion politique qui lui valent les colères de son hôte (qui se révèle un adepte du national-socialisme), Seuphor y écrit près de cent cinquante essais, parmi lesquels le philosophe Jacques Maritain fait un choix dans le but de les publier (mais qui ne paraîtront qu’en 1944 sous le titre d’Informations). Dans le même temps, la lecture du missel remet Seuphor en relation avec la foi très pure de son enfance et la religion catholique dans laquelle il pense trouver une direction intérieure qui corresponde à ses nouvelles aspirations.
Suzanne se rend plusieurs fois à Théoule et, lors de l’une de ses visites, Seuphor lui demande de l’épouser. Suzanne accepte. C’est une jeune femme résolue et tout entière gagnée à l’amour de Seuphor. De retour à Paris en octobre, Seuphor décroche un job de secrétaire à la Semaine de Paris, puis de correcteur de nuit au quotidien Aujourd’hui. Ce travail bien rémunéré, ainsi que le celui de Suzanne – secrétaire à la croix rouge – leur permettent de faire quelques économies. Au cours de ces mois, Seuphor écrit des poèmes qu’il publiera deux ans plus tard chez Corréa sous le titre : Dans le Royaume du cœur. Il collabore à la revue Esprit et, outre son article sur Le cri du temps présent, il publie aussi une traduction française de L’évasion du monastère Lama, de Joseph-Albert Otto, qui lui permet une incursion dans l’univers bouddhique.
Suzanne Plasse et Fernand Berckelaers, alias Michel Seuphor, se marient à Paris le 19 avril 1934 et partent vers le sud dans la foulée.
« Je haïssais Paris et tout ce bruit. Je voulais m’en aller aussi loin que possible et ne jamais revenir. (…) J’entrais dans une atmosphère de pure spiritualité, et pour la vivre, il me fallait un couvent, la campagne ou une sorte de désert mais avec quelqu’un (…) Suzanne a bien voulu m’accompagner dans cette singulière aventure. C’était très risqué… » (Michel Seuphor, Une vie à angle droit, 1988.)
1930 – 1934
conversion et mariage
De retour à Paris, Seuphor retrouve du travail (comme correcteur), amitié et santé grâce aux Mickum, qui avait imprimé Cercle et Carré, et qui le sauvent de la famine. Seuphor y imprime sur leurs presses son ouvrage le Greco, qu’il publie avec la maison d’édition qu’il crée pour publier ses ouvrages, Les tendances nouvelles, et qui rencontre un certain succès. Seuphor contribue aussi activement, avec Jan Brzekowski, à la constitution d’une des premières sections muséales d’art abstrait au musée de Lódz, notamment en donnant des œuvres de sa collection personnelle. Il participe brièvement à Abstraction-Création en produisant un texte pour le premier numéro de la revue qui paraît en 1932. Un renouveau de la peinture en Belgique Flamande paraît un peu plus tard au cours de l’année et provoque de vives réactions en Belgique, dont une rupture définitive d’amitié avec Paul Joostens.
Pour des raisons qu’il ne connaîtra jamais, Seuphor doit quitter l’imprimerie. Il retrouve un emploi comme convoyeur de machines à laver grâce à son ami poète suisse Aloïs Bataillard. C’est une période de disette où il lui arrive souvent de devoir se passer de manger pendant plusieurs jours consécutifs. Pourtant, il porte en lui l’écriture d’un livre réunissant ses premiers essais sur la métaphysique de l’art et dont il a déjà le titre Le style et le cri. En juin 1932, il renonce donc à son travail pour une invitation, promesse d’une résidence d’écriture de six semaines, au château de la Sarraz, en Suisse. Cependant, grosse déception pour lui, la propriétaire du lieu s’oppose à tout travail de ses hôtes. Ce n’est qu’après une errance de plusieurs mois qu’un séjour de novembre 1932 à février 1933, à Vevey en Suisse, chez le docteur Miéville, ami de l’architecte Alberto Sartoris, lui permet de travailler enfin à son livre.
Seuphor écrit intensément pendant trois mois, et le soir, pour se délasser, il laisse sa plume dériver sur ses feuilles blanches, tout à la fois envahi par la fatigue et la fumée de son cigare. C’est dans cette atmosphère qu’apparaissent ses premiers dessins unilinéaires. Sartoris les découvre un jour et se les fait confier par Seuphor pour les exposer à la galerie Manassero de Lausanne, au sein d’une exposition qui lui est consacrée en réponse au scandale que son architecture aux lignes modernistes, sobres et pures, de l’Eglise de Lourtier, a déclenché. Seuphor contribue activement à la défense de cette architecture mal accueillie en écrivant et publiant Sartoris, Architecture du sentiment.
Sartoris, quant à lui, préface l’exposition des dessins de Seuphor d’un texte intitulé De la Plume qui sert à bien des choses. Le livre de Seuphor, cependant, ne paraîtra jamais dans la forme où il l’avait écrit. Seuls des extraits remaniés en seront publiés, tels que l’article Le cri du temps présent édité dans la revue Esprit en 1933, Style publié par la revue suisse Nova Vetera en 1934 et, Le cri est dans le Cœur, publié en 1945 dans la revue Résurrection.
Seuphor ne gagne pas de quoi subvenir à ses besoins et doit à l’amitié et l’admiration de quelques personnes pour ses écrits de poursuivre ses voyages, recherchant sans cesse le bon endroit pour écrire. Ses déceptions sont nombreuses, comme par exemple son séjour à Moly-Sabata (région de Lyon), qu’il écourte dégoûté par les discours de caste et pronazis de ses hôtes. C’est cependant là qu’il se lie d’amitié avec Jacques Plasse, son futur beau-frère. Dès son retour à Paris, il se rend chez les parents de Jacques pour leur donner des nouvelles de leur fils. Les parents Plasse sont accueillants et sympathisent aussitôt avec le jeune poète qu’ils invitent à leur table. De là va se nouer une amitié profonde avec leur seconde fille, Suzanne.
À Paris, Seuphor loge plusieurs mois durant dans une misérable chambrette de l’hôtel du Luxembourg, mitoyenne de celle du poète Edmond Humeau, qui se révèle connaisseur et admirateur de ses écrits. Humeau lui échange son missel de 2514 pages contre un exemplaire de Lecture élémentaire. Suzanne Plasse, devenue fervente admiratrice de Seuphor, le dépanne en tapant ses textes sur sa machine à écrire, lui apporte sa fraîcheur, sa gaîté et souvent aussi des plats préparés chez elle. À cette époque, Seuphor apprend également la mort prématurée d’Alice Nahon, la poétesse flamande avec laquelle il avait vécu une romance au début des années vingt, et avec laquelle il avait repris contact durant son séjour à Grasse.
Un changement profond s’opère en Seuphor durant ces années de tribulations et de misère matérielle.
« J’étais entré dans une phase tout à fait particulière de ma vie, dans ce sanatorium déguisé de Grasse et m’orientais vers ce que Bergson appelait ʺ l’immanence de la transcendance ʺ. La lecture de Schopenhauer m’avait beaucoup appris ainsi que le bouddhisme et les sages de la Chine, Lao Tseu, Tchouang Tseu. Il s’opérait peu à peu en moi une désaffection totale de la vie extérieure ». (Une vie à angle droit, 1988)
Avec pour seul livre le volumineux missel d’Edmond Humeau, Seuphor passe l’été 1933 à Théoule-sur-mer chez le philosophe néerlandais et ami de Mondrian, Louis Hoyack. Malgré des divergences d’opinion politique qui lui valent les colères de son hôte (qui se révèle un adepte du national-socialisme), Seuphor y écrit près de cent cinquante essais, parmi lesquels le philosophe Jacques Maritain fait un choix dans le but de les publier (mais qui ne paraîtront qu’en 1944 sous le titre d’Informations). Dans le même temps, la lecture du missel remet Seuphor en relation avec la foi très pure de son enfance et la religion catholique dans laquelle il pense trouver une direction intérieure qui corresponde à ses nouvelles aspirations.
Suzanne se rend plusieurs fois à Théoule et, lors de l’une de ses visites, Seuphor lui demande de l’épouser. Suzanne accepte. C’est une jeune femme résolue et tout entière gagnée à l’amour de Seuphor. De retour à Paris en octobre, Seuphor décroche un job de secrétaire à la Semaine de Paris, puis de correcteur de nuit au quotidien Aujourd’hui. Ce travail bien rémunéré, ainsi que le celui de Suzanne – secrétaire à la croix rouge – leur permettent de faire quelques économies. Au cours de ces mois, Seuphor écrit des poèmes qu’il publiera deux ans plus tard chez Corréa sous le titre : Dans le Royaume du cœur. Il collabore à la revue Esprit et, outre son article sur Le cri du temps présent, il publie aussi une traduction française de L’évasion du monastère Lama, de Joseph-Albert Otto, qui lui permet une incursion dans l’univers bouddhique.
Suzanne Plasse et Fernand Berckelaers, alias Michel Seuphor, se marient à Paris le 19 avril 1934 et partent vers le sud dans la foulée.
« Je haïssais Paris et tout ce bruit. Je voulais m’en aller aussi loin que possible et ne jamais revenir. (…) J’entrais dans une atmosphère de pure spiritualité, et pour la vivre, il me fallait un couvent, la campagne ou une sorte de désert mais avec quelqu’un (…) Suzanne a bien voulu m’accompagner dans cette singulière aventure. C’était très risqué… » (Michel Seuphor, Une vie à angle droit, 1988.)
1934 – 1939
Anduze et la montée du Nazisme
Les Seuphor s’installent d’abord pendant quelques mois dans un Mazet près de Nîmes prêté par Léon Marsal, un ami marchand de meuble. L’annonce d’une naissance prochaine les pousse à chercher une maison. Ils la trouvent finalement à Anduze, un village cévenol qui était alors à moitié vide. C’est plutôt une ruine qu’ils achètent pour la modique somme de 1500 francs et qu’ils restaurent petit à petit.
À partir de décembre 1934, Seuphor crée à nouveau une revue : La Nouvelle Campagne. Suzanne tape à la machine les 45 exemplaires auxquels s’abonnent leurs amis. Ils publieront ainsi 30 numéros, de décembre 1934 à juillet 1939. Malgré leur vie très loin de Paris, les Seuphor maintiennent des liens et une correspondance régulière avec les artistes et les écrivains que Michel avait fréquenté à Paris, en particulier avec les Arp, les Delaunay, Mondrian etc. Seuphor collabore aussi régulièrement avec des journaux locaux, ainsi qu’à la revue hebdomadaire Sept publiée par les Pères dominicains de Juvisy. La vente de ses articles et les abonnements de La Nouvelle Campagne sont la principale source de revenus du foyer jusqu’en 1937.
Seuphor publie ses réflexions sur des questions de société, ses poèmes, ainsi que des articles politiques où il dénonce, notamment, Hitler et Mussolini, le communisme et le fascisme. L’un de ses articles intitulé « Force Mauvaise » en réaction à l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini, paraît dans Sept le 20 septembre 1935. Il s’agit d’un dialogue fictif entre Hitler (alias Force Mauvaise) et Mussolini (alias Orgueil) – à l’époque ils ne se sont pas encore rencontrés – au cours duquel ils devisent sur le destin de l’Europe. Seuphor choisit d’illustrer son article d’un photomontage, exécuté par Fritz Glarner, son ami photographe, juxtaposant leurs photos respectives.
Extrait
« Force Mauvaise :
Tailler, tailler en pièces, taillader tout menu de plus petits que moi, de plus pauvres, de moins forts. Tailler, trancher, tuer, hurler et massacrer. Affamer, diffamer, hurler, tuer, voler, incarcérer, exécuter, épuiser lentement, ne laisser que l’os et la peau. Etouffer, miner, calomnier, écraser de la botte, percer le cœur en riant. Tordre, mordre, battre, abattre, ricaner, hurler, tuer, avoir l’air de quelqu’un, se faire respecter de tous et admirer, se faire aimer sur commande. Donner des ordres brefs : aimez-moi comme ceci, comme cela ! Assez ! Encore ! Hurler, tuer, fendre l’âme, pendre, apprendre à cracher, Punir, pétrir, haïr, salir, hurler, tuer, nuire, maudire, détruire et désunir, et ne jamais cesser de massacrer.
Orgueil :
Assez ! Tu vas trop vite, cher ami. Tu oublies que nous sommes frères et que nos droits sont égaux. Il faut que tu laisses une part au moins de ce riche pays. Tu ne prendras pas tout : ce butin est assez vaste pour qu’il soit partagé.
Force Mauvaise :
Tordre, mordre, abattre.
Orgueil :
Pense que si je n’étais pas avec toi, ce pays t’échapperait sûrement, car c’est moi qui recrute le gros de tes troupes. Ne crois pas que tu aurais la partie aussi belle, avec tes quelques sbires et tes quelques reîtres, si je t’abandonnais un peu de temps. Que ferais-tu contre la patience ? Contre la non-résistance ? Que ferais-tu contre l’humilité et la simplicité ? Je crois, mon cher, que tu serais sérieusement handicapé, peut-être impuissant, et condamné à l’immobilité. Car ce ne sont pas seulement les alliés que je t’apporte qui alimentent ta force, mais aussi, tu le sais bien, la violence adverse. Et comment veux-tu qu’elle surgisse, cette violence adverse, tant précieuse pour toi, si je ne suis pas passé par là pour préparer le terrain, pour présenter sous une grande variété d’étiquettes, aux individus et aux peuples, ma drogue alcoolisée ? Et quel autre que moi le ferait ? Quel autre que moi se fait partout bien recevoir, possédant un siège attitré dans le fort intérieur de chaque homme ? … »
↑
Force mauvaise, Sept 20 septembre 1935, IX.
1934 – 1939
Anduze et la montée du Nazisme
Les Seuphor s’installent d’abord pendant quelques mois dans un Mazet près de Nîmes prêté par Léon Marsal, un ami marchand de meuble. L’annonce d’une naissance prochaine les pousse à chercher une maison. Ils la trouvent finalement à Anduze, un village cévenol qui était alors à moitié vide. C’est plutôt une ruine qu’ils achètent pour la modique somme de 1500 francs et qu’ils restaurent petit à petit.
À partir de décembre 1934, Seuphor crée à nouveau une revue : La Nouvelle Campagne. Suzanne tape à la machine les 45 exemplaires auxquels s’abonnent leurs amis. Ils publieront ainsi 30 numéros, de décembre 1934 à juillet 1939. Malgré leur vie très loin de Paris, les Seuphor maintiennent des liens et une correspondance régulière avec les artistes et les écrivains que Michel avait fréquenté à Paris, en particulier avec les Arp, les Delaunay, Mondrian etc. Seuphor collabore aussi régulièrement avec des journaux locaux, ainsi qu’à la revue hebdomadaire Sept publiée par les Pères dominicains de Juvisy. La vente de ses articles et les abonnements de La Nouvelle Campagne sont la principale source de revenus du foyer jusqu’en 1937.
Seuphor publie ses réflexions sur des questions de société, ses poèmes, ainsi que des articles politiques où il dénonce, notamment, Hitler et Mussolini, le communisme et le fascisme. L’un de ses articles intitulé « Force Mauvaise » en réaction à l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini, paraît dans Sept le 20 septembre 1935. Il s’agit d’un dialogue fictif entre Hitler (alias Force Mauvaise) et Mussolini (alias Orgueil) – à l’époque ils ne se sont pas encore rencontrés – au cours duquel ils devisent sur le destin de l’Europe. Seuphor choisit d’illustrer son article d’un photomontage, exécuté par Fritz Glarner, son ami photographe, juxtaposant leurs photos respectives.
Extrait
« Force Mauvaise :
Tailler, tailler en pièces, taillader tout menu de plus petits que moi, de plus pauvres, de moins forts. Tailler, trancher, tuer, hurler et massacrer. Affamer, diffamer, hurler, tuer, voler, incarcérer, exécuter, épuiser lentement, ne laisser que l’os et la peau. Etouffer, miner, calomnier, écraser de la botte, percer le cœur en riant. Tordre, mordre, battre, abattre, ricaner, hurler, tuer, avoir l’air de quelqu’un, se faire respecter de tous et admirer, se faire aimer sur commande. Donner des ordres brefs : aimez-moi comme ceci, comme cela ! Assez ! Encore ! Hurler, tuer, fendre l’âme, pendre, apprendre à cracher, Punir, pétrir, haïr, salir, hurler, tuer, nuire, maudire, détruire et désunir, et ne jamais cesser de massacrer.
Orgueil :
Assez ! Tu vas trop vite, cher ami. Tu oublies que nous sommes frères et que nos droits sont égaux. Il faut que tu laisses une part au moins de ce riche pays. Tu ne prendras pas tout : ce butin est assez vaste pour qu’il soit partagé.
Force Mauvaise :
Tordre, mordre, abattre.
Orgueil :
Pense que si je n’étais pas avec toi, ce pays t’échapperait sûrement, car c’est moi qui recrute le gros de tes troupes. Ne crois pas que tu aurais la partie aussi belle, avec tes quelques sbires et tes quelques reîtres, si je t’abandonnais un peu de temps. Que ferais-tu contre la patience ? Contre la non-résistance ? Que ferais-tu contre l’humilité et la simplicité ? Je crois, mon cher, que tu serais sérieusement handicapé, peut-être impuissant, et condamné à l’immobilité. Car ce ne sont pas seulement les alliés que je t’apporte qui alimentent ta force, mais aussi, tu le sais bien, la violence adverse. Et comment veux-tu qu’elle surgisse, cette violence adverse, tant précieuse pour toi, si je ne suis pas passé par là pour préparer le terrain, pour présenter sous une grande variété d’étiquettes, aux individus et aux peuples, ma drogue alcoolisée ? Et quel autre que moi le ferait ? Quel autre que moi se fait partout bien recevoir, possédant un siège attitré dans le fort intérieur de chaque homme ? … »
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Force mauvaise, Sept 20 septembre 1935, IX.
En avril 1935, les éditions Corréas publient Dans le royaume du cœur, un recueil de poèmes écrits peu avant de quitter Paris. Seuphor fait aussi publier des essais moraux, comme Discours aux enfants, aux éditions Emmanuel Vitte à Lyons en 1935 ou L’ardente Paix, un recueil de sonnets d’inspiration religieuse, qui paraîtra aux éditions bruxelloises les Cahiers du Journal des Poètes en août 1936.
En juin 1935, quatre mois après sa naissance, leur premier enfant Clément décède de mort subite. C’est un coup terrible pour les jeunes parents qui se réfugient dans la foi catholique et, pour Michel, dans la création littéraire. Il publie, dans Sept, le poème Naissance et mort d’un enfant qui traduit ce deuil impossible. Il commence aussi la rédaction de son premier roman, Histoires de grand dadais, qu’il termine un an plus tard en octobre 1936, et publie en 1938 aux éditions Ramgal, à Thuilles- Belgique.
Seuphor publie abondamment dans Sept des articles engagés qui sonnent l’alarme face à la montée du nazisme et du fascisme, tel que : Où va l’Europe ? ; des poèmes comme La mascarade, Crux de Cruce, Le jour mal éclairé et, en 1937, des extraits d’Histoires de grand dadais. Il commence aussi à collaborer au quotidien catholique de gauche l’Aube. En 1937, il publie aussi un premier article sur Mondrian dans la revue flamande Opbouwen (Christen-calvinist, Opbouwen, X).
Un choc psychologique survient aussi en 1937, quand le Vatican interdit la publication de Sept sur un motif fallacieux, en réalité parce que les positions antifascistes de la revue dérangent les relations politiques du Vatican avec Mussolini. Seuphor perd son principal revenu, et en même temps sa foi et sa confiance en l’église catholique. S’ensuit une profonde crise morale dont il se remettra en écrivant un roman à clés sur sa vie artistique parisienne des années 20, Les évasions d’Olivier Trickmansholm.
« Le coup que je reçus, dans mon isolement d’Anduze, faillit me coûter la raison. Tout sombrait avec Sept, l’Eglise entière faisait naufrage, devenait machiavélique, pratiquait le mensonge à l’endroit de sa suprême autorité et de sa sainteté. Que restait-il ? L’Eglise était en ruines. En même temps le maigre gagne-pain que je recevais de Paris, comme rétribution de mes articles, me tombait des mains. J’étais un naufragé sur une vie déserte. Mon désarroi était tel que, pendant plusieurs jours, je ne pus adresser la parole à ma femme. Je touchais à peine aux mets qu’elle m’apportait sur un plateau dans la chambre à coucher que je ne quittais pas. Puis, tout à coup, l’amour d’écrire me sauva. Le mot évasion me semblait être la clé de mon existence passée. J’avais trouvé un thème pour raconter une vie, la mienne, et ce fut Les évasions d’Olivier Trickmansholm, un volumineux roman qui tint mon esprit occupé pendant tout l’hiver qui suivit, et cela m’exorcisa. » (Le jeu de je, 1976)
Seuphor traduit sa révolte face à la situation politique en écrivant également une série de dialogues politico-religieux qu’il publie d’abord dans La Nouvelle Campagne, puis qu’il fait paraître, en 1939, aux éditions Jean Renard à Paris, sous le titre, (imposé par l’éditeur Jean-Renard car plus provocateur), Le malentendu catholique-fasciste. Ses positions amènent aussi une rupture avec le philosophe Gustave Thibon, qui vivait à Saint-Marcel-d’Ardèche et avec lequel il s’était lié d’amitié (Thibon soutiendra le régime de Vichy). Seuphor continue à publier des articles politiques tels que « Sommes-nous encore libres ? » dans l’Aube et « Savoir dire : Halte ! » dans une nouvelle revue, Temps Présent, qui remplace Sept, mais dirigée par des laïcs, notamment Stanislas Fumet.
Au mois d’Octobre 1938, les Seuphor se rendent à Paris où ils restent deux mois entrecoupés d’un séjour à Anvers pour présenter leur fils Régis, né en novembre 1936, à sa grand-mère paternelle.
Durant ce séjour parisien, Seuphor fréquente assidument Jean Paulhan et les cercles de la Nouvelle Revue Française, qui s’intéressent à ses écrits. Cependant, n’obtenant pas une totale liberté d’écriture, il décide de ne pas poursuivre cette collaboration. C’est finalement Fernand Aubier, directeur des Editions Montaigne qui, en 1939, décide de publier les Evasions d’Olivier Trickmansholm, qui paraît un mois avant la déclaration de guerre. Dans l’intervalle, Aubier met tout en œuvre pour que l’ouvrage obtienne le prix Goncourt et appelle Seuphor à Paris pour assister à un déjeuner offert à plusieurs membres de cette Académie. L’affaire semble bouclée, mais la déclaration de guerre annule l’édition annuelle du prix Goncourt et Aubier abandonne tout. Seuphor conclut dans Le jeu de je : « j’échappais à la fortune, à la célébrité, à une certaine mise sous tutelle et à la banalité. »
En avril 1935, les éditions Corréas publient Dans le royaume du cœur, un recueil de poèmes écrits peu avant de quitter Paris. Seuphor fait aussi publier des essais moraux, comme Discours aux enfants, aux éditions Emmanuel Vitte à Lyons en 1935 ou L’ardente Paix, un recueil de sonnets d’inspiration religieuse, qui paraîtra aux éditions bruxelloises les Cahiers du Journal des Poètes en août 1936.
En juin 1935, quatre mois après sa naissance, leur premier enfant Clément décède de mort subite. C’est un coup terrible pour les jeunes parents qui se réfugient dans la foi catholique et, pour Michel, dans la création littéraire. Il publie, dans Sept, le poème Naissance et mort d’un enfant qui traduit ce deuil impossible. Il commence aussi la rédaction de son premier roman, Histoires de grand dadais, qu’il termine un an plus tard en octobre 1936, et publie en 1938 aux éditions Ramgal, à Thuilles- Belgique.
Seuphor publie abondamment dans Sept des articles engagés qui sonnent l’alarme face à la montée du nazisme et du fascisme, tel que : Où va l’Europe ? ; des poèmes comme La mascarade, Crux de Cruce, Le jour mal éclairé et, en 1937, des extraits d’Histoires de grand dadais. Il commence aussi à collaborer au quotidien catholique de gauche l’Aube. En 1937, il publie aussi un premier article sur Mondrian dans la revue flamande Opbouwen (Christen-calvinist, Opbouwen, X).
Un choc psychologique survient aussi en 1937, quand le Vatican interdit la publication de Sept sur un motif fallacieux, en réalité parce que les positions antifascistes de la revue dérangent les relations politiques du Vatican avec Mussolini. Seuphor perd son principal revenu, et en même temps sa foi et sa confiance en l’église catholique. S’ensuit une profonde crise morale dont il se remettra en écrivant un roman à clés sur sa vie artistique parisienne des années 20, Les évasions d’Olivier Trickmansholm.
« Le coup que je reçus, dans mon isolement d’Anduze, faillit me coûter la raison. Tout sombrait avec Sept, l’Eglise entière faisait naufrage, devenait machiavélique, pratiquait le mensonge à l’endroit de sa suprême autorité et de sa sainteté. Que restait-il ? L’Eglise était en ruines. En même temps le maigre gagne-pain que je recevais de Paris, comme rétribution de mes articles, me tombait des mains. J’étais un naufragé sur une vie déserte. Mon désarroi était tel que, pendant plusieurs jours, je ne pus adresser la parole à ma femme. Je touchais à peine aux mets qu’elle m’apportait sur un plateau dans la chambre à coucher que je ne quittais pas. Puis, tout à coup, l’amour d’écrire me sauva. Le mot évasion me semblait être la clé de mon existence passée. J’avais trouvé un thème pour raconter une vie, la mienne, et ce fut Les évasions d’Olivier Trickmansholm, un volumineux roman qui tint mon esprit occupé pendant tout l’hiver qui suivit, et cela m’exorcisa. » (Le jeu de je, 1976)
Seuphor traduit sa révolte face à la situation politique en écrivant également une série de dialogues politico-religieux qu’il publie d’abord dans La Nouvelle Campagne, puis qu’il fait paraître, en 1939, aux éditions Jean Renard à Paris, sous le titre, (imposé par l’éditeur Jean-Renard car plus provocateur), Le malentendu catholique-fasciste. Ses positions amènent aussi une rupture avec le philosophe Gustave Thibon, qui vivait à Saint-Marcel-d’Ardèche et avec lequel il s’était lié d’amitié (Thibon soutiendra le régime de Vichy). Seuphor continue à publier des articles politiques tels que « Sommes-nous encore libres ? » dans l’Aube et « Savoir dire : Halte ! » dans une nouvelle revue, Temps Présent, qui remplace Sept, mais dirigée par des laïcs, notamment Stanislas Fumet.
Au mois d’Octobre 1938, les Seuphor se rendent à Paris où ils restent deux mois entrecoupés d’un séjour à Anvers pour présenter leur fils Régis, né en novembre 1936, à sa grand-mère paternelle.
Durant ce séjour parisien, Seuphor fréquente assidument Jean Paulhan et les cercles de la Nouvelle Revue Française, qui s’intéressent à ses écrits. Cependant, n’obtenant pas une totale liberté d’écriture, il décide de ne pas poursuivre cette collaboration. C’est finalement Fernand Aubier, directeur des Editions Montaigne qui, en 1939, décide de publier les Evasions d’Olivier Trickmansholm, qui paraît un mois avant la déclaration de guerre. Dans l’intervalle, Aubier met tout en œuvre pour que l’ouvrage obtienne le prix Goncourt et appelle Seuphor à Paris pour assister à un déjeuner offert à plusieurs membres de cette Académie. L’affaire semble bouclée, mais la déclaration de guerre annule l’édition annuelle du prix Goncourt et Aubier abandonne tout. Seuphor conclut dans Le jeu de je : « j’échappais à la fortune, à la célébrité, à une certaine mise sous tutelle et à la banalité. »
Textes de Seuphor publiés pendant cette période
1934
- Style ; Nova et Vetera
- Oui …, mais ; Esprit
- Contrastes parisiens, Hubert Robert et les Abstraits ; La vie intellectuelle, 1UI.
- Fumet, Martin de Porres (Chronique des livres) ; Nova et Vetera
- L’épée chrétienne ; Sept 1,
1935
- Anduze au pays cévenol ; L’Echo d’Anduze,
- Force mauvaise ; Sept 20,
- Le jazz hot ; La vie intellectuelle, III.
- Anduze terre de paix ; L’Echo d’Anduze, IX; Sept, 19.VII.
- Italie 1909-1935 ; Sept, 1X.
- Sur l’aviation française au Petit Palais ; La Meuse (Liège), VI.
- Bleu, Si tu savais, Souvent (poèmes) ; Sept, VII.
- Matt Talbot, Saint Thomas et un « chemin de la croix » (Chronique des livres) ; Le Courrier de Genève
- Clarté de Noel (poème) ; Sept, XII
- Remerciements pour l’an 1934 (poème) ; Sept,
- Naissance d’un enfant mâle ; Sept, III.
- Faire Oraison, Présence, Le pain et le vin (poèmes) ; Sept, VIII.
- Nuit sur nous (poème) ; Sept 5, 17.VII
1936
- Le sport et l’art ; Sept, 7. II.
- Une technique de l’éducation (la méthode Montessori) ; Sept, V.
- L’extraordinaire destinée d’un peintre : Domenico Theotocopuli ; L’art sacré
- Fraicheur de l’église ; Orientations, X.
- Le juste milieu et la juste mesure ; Orientations, XI.
- Réponse à l’enquête : le poète et son temps doit-il être de son temps ? Et comment doit-il l’être ? ; Cahiers de journal de poètes 16
- Où va l’Europe ? ; Sept, 1VI.
- La terre de Paix ; Sept, I.
- Theresa Higginson ; Sept, 11.
- Deux petits poèmes ; Sept 107, III.
- Crux de Cruce, La mascarade (poèmes) ; Sept VIII.
- Le musée du désert et la région anduzienne ; La Dépêche de Toulouse, VIII.
- Tout était Ià ; Christus, XII.
- Nous fêtons Pierre-Louis Flouquet ; Courrier des poètes 3, XII.
1937
- Notes parisiennes ; Orientations, III.
- Paradoxe sur les internationales ; L’Aube, 8. IV.
- La politesse ; L’Aube, VI.
- La justice ; L’Aube, VII.
- Vivre ; L’Aube, VII.
- L’Orgueil ; L’Aube, VII.
- Un rajeunissement de l’Ecriture ; La cité chrétienne, V.
- Mystique errante ; La Sève, X,
- La question des Loisirs ouvriers ; Christus, III,
- Vondel, Méditation d’un ermite en temps de carême ; La Sève 2
- Poèmes ; Christus,
- Est-ce possible ; L’Echo d’Anduze, III
- Victor Delhez, xylographe ; Le XXe siècle, III.
- Encore les ruines ; L’Echo d’Anduze,
- Fraicheur de l’église ; La vie catholique, 24. IV.
- Réponse à quelques lettres ; L’Aube, V.
- La Haine ; L’Aube, 21. Vll.
- Vendanges ; Christus,
- Gratuite (poème) ; Le XXe siècle, VIII.
- L’Amour de Ia patrie ; L’Aube, IX., 4. IX.
- Paradoxe sur les internationales », l’Aube, 8, IV, 1937.
- L’amitié ; Le patriote illustré, 1 IX.
- La poésie à son comble ; Orientations, VII, VIII.
- Fraicheur de L’été ; Le patriote illustré, VII.,
- Christen-calvinist ; Opbouwen,
- La veillée de novembre ; Temps présent, XII.
1938
- Sommes-nous encore libres ? ; L’Aube, IX.
- Construisons ; Temps présent, 11.
- Réponse à l’enquête : l’Inspiration poétique et la métrique ; Cahiers du journal des poètes, I
- Hölderlin (poèmes) ; Nova et Vetera
- Savoir dire : Halte ! ; Temps présent, IX.
- Trois poussins invraisemblables ; Le patriote illustré, I.
- Cantique des créateurs ; Le divin médecin,
- Une terre de paix ; Temps présent, I.
- Loin de Paris ; Christus,
- Sub tuum presidium ; Le divin médecin (CaJ ados), V.
- Humble de quête, La maison, fraiche maison bonne maison, Pro, Conversion générale (poèmes) ; Christus, VII,
- Le journal éclairé ; Gratuite ; Pile ou fas ; Carpe diem ; Crux de cruce (poèmes) ; Temps présent, 5. VIll.
1939
- Emmaüs ; Temps présent, 2.IX, 6. X.
- Remarques sur la censure ; La vie intellectuelle, 25.XII.
- Du malheur à la joie, L’Aube, 27. IX.
- La guerre prudente ; L’Aube, X.
- L’autre ennemi ; L’Aube, IV.
- L’or ; L’Aube, VII.
- Le sens de cette guerre : guérir l’Europe ; La vie intellectuelle, 25.
- Le partage des eaux ; L’Aube, 1.
- La justice et la guerre ; L’Aube, III.
- Compagnons d’éternité ; L’Aube, 14. II.
- La Porte du verger ; Temps présent, 17.11
- A Francis Jammes ; Les Amis de St. Francois,
- Une œuvre posthume de Francis Jammes ; Temps présent, 24. XI.
Textes de Seuphor publiés pendant cette période
1934
- Style ; Nova et Vetera
- Oui …, mais ; Esprit
- Contrastes parisiens, Hubert Robert et les Abstraits ; La vie intellectuelle, 1UI.
- Fumet, Martin de Porres (Chronique des livres) ; Nova et Vetera
- L’épée chrétienne ; Sept 1,
1935
- Anduze au pays cévenol ; L’Echo d’Anduze,
- Force mauvaise ; Sept 20,
- Le jazz hot ; La vie intellectuelle, III.
- Anduze terre de paix ; L’Echo d’Anduze, IX; Sept, 19.VII.
- Italie 1909-1935 ; Sept, 1X.
- Sur l’aviation française au Petit Palais ; La Meuse (Liège), VI.
- Bleu, Si tu savais, Souvent (poèmes) ; Sept, VII.
- Matt Talbot, Saint Thomas et un « chemin de la croix » (Chronique des livres) ; Le Courrier de Genève
- Clarté de Noel (poème) ; Sept, XII
- Remerciements pour l’an 1934 (poème) ; Sept,
- Naissance d’un enfant mâle ; Sept, III.
- Faire Oraison, Présence, Le pain et le vin (poèmes) ; Sept, VIII.
- Nuit sur nous (poème) ; Sept 5, 17.VII
1936
- Le sport et l’art ; Sept, 7. II.
- Une technique de l’éducation (la méthode Montessori) ; Sept, V.
- L’extraordinaire destinée d’un peintre : Domenico Theotocopuli ; L’art sacré
- Fraicheur de l’église ; Orientations, X.
- Le juste milieu et la juste mesure ; Orientations, XI.
- Réponse à l’enquête : le poète et son temps doit-il être de son temps ? Et comment doit-il l’être ? ; Cahiers de journal de poètes 16
- Où va l’Europe ? ; Sept, 1VI.
- La terre de Paix ; Sept, I.
- Theresa Higginson ; Sept, 11.
- Deux petits poèmes ; Sept 107, III.
- Crux de Cruce, La mascarade (poèmes) ; Sept VIII.
- Le musée du désert et la région anduzienne ; La Dépêche de Toulouse, VIII.
- Tout était Ià ; Christus, XII.
- Nous fêtons Pierre-Louis Flouquet ; Courrier des poètes 3, XII.
1937
- Notes parisiennes ; Orientations, III.
- Paradoxe sur les internationales ; L’Aube, 8. IV.
- La politesse ; L’Aube, VI.
- La justice ; L’Aube, VII.
- Vivre ; L’Aube, VII.
- L’Orgueil ; L’Aube, VII.
- Un rajeunissement de l’Ecriture ; La cité chrétienne, V.
- Mystique errante ; La Sève, X,
- La question des Loisirs ouvriers ; Christus, III,
- Vondel, Méditation d’un ermite en temps de carême ; La Sève 2
- Poèmes ; Christus,
- Est-ce possible ; L’Echo d’Anduze, III
- Victor Delhez, xylographe ; Le XXe siècle, III.
- Encore les ruines ; L’Echo d’Anduze,
- Fraicheur de l’église ; La vie catholique, 24. IV.
- Réponse à quelques lettres ; L’Aube, V.
- La Haine ; L’Aube, 21. Vll.
- Vendanges ; Christus,
- Gratuite (poème) ; Le XXe siècle, VIII.
- L’Amour de Ia patrie ; L’Aube, IX., 4. IX.
- Paradoxe sur les internationales », l’Aube, 8, IV, 1937.
- L’amitié ; Le patriote illustré, 1 IX.
- La poésie à son comble ; Orientations, VII, VIII.
- Fraicheur de L’été ; Le patriote illustré, VII.,
- Christen-calvinist ; Opbouwen,
- La veillée de novembre ; Temps présent, XII.
1938
- Sommes-nous encore libres ? ; L’Aube, IX.
- Construisons ; Temps présent, 11.
- Réponse à l’enquête : l’Inspiration poétique et la métrique ; Cahiers du journal des poètes, I
- Hölderlin (poèmes) ; Nova et Vetera
- Savoir dire : Halte ! ; Temps présent, IX.
- Trois poussins invraisemblables ; Le patriote illustré, I.
- Cantique des créateurs ; Le divin médecin,
- Une terre de paix ; Temps présent, I.
- Loin de Paris ; Christus,
- Sub tuum presidium ; Le divin médecin (CaJ ados), V.
- Humble de quête, La maison, fraiche maison bonne maison, Pro, Conversion générale (poèmes) ; Christus, VII,
- Le journal éclairé ; Gratuite ; Pile ou fas ; Carpe diem ; Crux de cruce (poèmes) ; Temps présent, 5. VIll.
1939
- Emmaüs ; Temps présent, 2.IX, 6. X.
- Remarques sur la censure ; La vie intellectuelle, 25.XII.
- Du malheur à la joie, L’Aube, 27. IX.
- La guerre prudente ; L’Aube, X.
- L’autre ennemi ; L’Aube, IV.
- L’or ; L’Aube, VII.
- Le sens de cette guerre : guérir l’Europe ; La vie intellectuelle, 25.
- Le partage des eaux ; L’Aube, 1.
- La justice et la guerre ; L’Aube, III.
- Compagnons d’éternité ; L’Aube, 14. II.
- La Porte du verger ; Temps présent, 17.11
- A Francis Jammes ; Les Amis de St. Francois,
- Une œuvre posthume de Francis Jammes ; Temps présent, 24. XI.
1939 – 1948
la Maison Claire et l’occupation
En juin 1939, les Seuphor déménagent pour échapper aux nuisances sonores causées par la radio qu’une voisine écoute à tue-tête. Ils s’installent chez une vieille paysanne, Mme Berthézène, qui habite un mas isolé dans la plaine à 2 km d’Anduze, que Seuphor surnomme « la maison claire ».
Seuphor cherche à s’engager comme volontaire dans l’armée française qui le refuse –il n’a pas encore la nationalité française- puis dans l’armée Belge qui semble recruter à Montpellier, mais en vain. En réalité, les officiers ont déjà baissé les bras et les personnes qu’il rencontre semblent n’aspirer qu’à la tranquillité promise par Pétain. Seuphor est dépité : « J’étais seul au monde à être en guerre avec Hitler » écrit-il dans Le jeu de je.
Il continue à publier des articles politiques, comme La guerre prudente dans l’Aube et Le sens de cette guerre : guérir l’Europe, et Remarques sur la censure, en réponse à l’interdiction de parution de cet article dans La Vie Intellectuelle. En mai 1940, sept cent jeunes réfugiés Belges arrivent à Anduze. Une partie d’entre eux est logée dans l’ancienne maison des Seuphor, lui-même étant tout désigné pour jouer le rôle d’interprète et de médiateur entre les Flamands et les Wallons. Il accueille des amis, des inconnus et des résistants à la Maison Claire, notamment André Wedren, un résistant hollandais. Finalement, il trouve à s’engager dans la résistance Belge en France (groupe Résibel France) dont le centre était à Grenoble. Il visite les prisons de Nîmes, Montpellier, Bézier pour soutenir et transmettre des messages aux incarcérés. Il échappe par miracle à la Gestapo, une première fois à Lyon, alors qu’il visite son ami suisse et résistant, le pasteur Meyer, qui est arrêté et déporté juste après son départ, et une deuxième fois lorsqu’il se rend à Nîmes, sur injonction du Consul de Belgique, pour s’inscrire au Service du Travail Obligatoire. Dans Le jeu de je, il raconte comment, mu par un instinct qu’il ne s’explique pas, il sortit de la file des inscriptions où on l’avait rangé et partit sans être inquiété. Il n’en serait probablement jamais revenu vivant. En 1945, le gouvernement Belge voudra lui offrir une médaille pour ses contributions à la résistance, qu’il refusera.
Seuphor met aussi à profit son isolement à la maison claire pour lire et écrire. Il écrit d’abord Douce province à partir d’août 1939, qui est publié aux éditions Marguerat à Lausanne en 1940. Cet éditeur avait lu les Evasions d’Olivier Trickmansholm et souhaitait publier ses écrits en Suisse Romande. Seuphor raconte comment il a lui-même auto-censuré ce livre afin qu’il puisse être mis en vente en France pétainiste. Un passage expurgé, qu’il reproduit dans Le jeu de je, démontre la détresse morale que provoque la drôle de guerre :
… Toutes les conversations avaient cessé autour d’eux dans le cortège. Tavier [son personnage] continua d’une seule haleine, ne se laissant pas interrompre :
– L’hitlérisme ne diminue pas mon amour de l’Allemagne. Je ne le considère pas comme une excroissance naturelle de l’Allemagne, ni même de la Prusse, mais de l’homme. L’hitlérisme n’est qu’un des multiples aspects de la méchanceté humaine, c’est une tête de cette hydre qui s’appelle tyrannie et qu’il faut toujours vaincre à nouveau. C’est une épreuve — peut-être nécessaire, peut-être providentielle — de notre courage, de notre capacité d’abnégation, d’héroïsme. Mais cela s’adresse à des hommes, non pas à des larves ou à des ventres ou à des coffres forts. Cette hydre n’a rien de spécifiquement allemand, elle a porté au cours de l’histoire des têtes italiennes, russes, espagnoles, anglaises, françaises. On n’a qu’à se rappeler le duc d’Albe, Charles d’Anjou, Napoléon, Ivan le Terrible, Néron et beaucoup d’autres. À cette haine érigée en système il nous faut opposer l’amour intrépide, l’amour désintéressé mais qui agit et qui veut le bien même de l’ennemi.
Lapierre eut un rire sec :
– Là, vous délirez complètement, mon brave, il n’y a jamais eu question d’amour en politique.
Mais Tavier, subitement, donnait de la voix :
– Et cependant, en politique comme en toute autre matière, c’est sur l’amour que nous serons jugés. Et nous sommes déjà jugés, parce que nous avons vendu nos frères. Se souvient-on qu’en 1914 c’est un petit pays qui sauva la France en lui faisant un bouclier de son corps ? En 1938, c’est le grand qui lâche le petit avec lequel le lie un solennel traité d’assistance. C’est nous qui venons de pratiquer la politique du « chiffon de papier » que nous avons tant maudite. Si ce qu’on appelle la France est l’âme lumineuse des peuples, la France est moribonde. Humiliée, bafouée, ternie, salie, morte !
Malgré de bonnes ventes en Suisse et en France libre, l’éditeur s’oppose à une réédition et le roman suivant, La maison claire, que Seuphor écrit en 1941, est publié par Stanislas Fumet en 1943, à Lyon, aux éditions du livre français qu’il vient de créer. Outre ces livres, Seuphor publie de nombreux articles, des poèmes ainsi que des traductions de poèmes de Goethe, Hölderlin et Gezelle dans plusieurs revues telles que La vie spirituelle, Le mot d’ordre et Positions, etc.
1939 – 1948
la Maison Claire et l’occupation
En juin 1939, les Seuphor déménagent pour échapper aux nuisances sonores causées par la radio qu’une voisine écoute à tue-tête. Ils s’installent chez une vieille paysanne, Mme Berthézène, qui habite un mas isolé dans la plaine à 2 km d’Anduze, que Seuphor surnomme « la maison claire ».
Seuphor cherche à s’engager comme volontaire dans l’armée française qui le refuse –il n’a pas encore la nationalité française- puis dans l’armée Belge qui semble recruter à Montpellier, mais en vain. En réalité, les officiers ont déjà baissé les bras et les personnes qu’il rencontre semblent n’aspirer qu’à la tranquillité promise par Pétain. Seuphor est dépité : « J’étais seul au monde à être en guerre avec Hitler » écrit-il dans Le jeu de je.
Il continue à publier des articles politiques, comme La guerre prudente dans l’Aube et Le sens de cette guerre : guérir l’Europe, et Remarques sur la censure, en réponse à l’interdiction de parution de cet article dans La Vie Intellectuelle. En mai 1940, sept cent jeunes réfugiés Belges arrivent à Anduze. Une partie d’entre eux est logée dans l’ancienne maison des Seuphor, lui-même étant tout désigné pour jouer le rôle d’interprète et de médiateur entre les Flamands et les Wallons. Il accueille des amis, des inconnus et des résistants à la Maison Claire, notamment André Wedren, un résistant hollandais. Finalement, il trouve à s’engager dans la résistance Belge en France (groupe Résibel France) dont le centre était à Grenoble. Il visite les prisons de Nîmes, Montpellier, Bézier pour soutenir et transmettre des messages aux incarcérés. Il échappe par miracle à la Gestapo, une première fois à Lyon, alors qu’il visite son ami suisse et résistant, le pasteur Meyer, qui est arrêté et déporté juste après son départ, et une deuxième fois lorsqu’il se rend à Nîmes, sur injonction du Consul de Belgique, pour s’inscrire au Service du Travail Obligatoire. Dans Le jeu de je, il raconte comment, mu par un instinct qu’il ne s’explique pas, il sortit de la file des inscriptions où on l’avait rangé et partit sans être inquiété. Il n’en serait probablement jamais revenu vivant. En 1945, le gouvernement Belge voudra lui offrir une médaille pour ses contributions à la résistance, qu’il refusera.
Seuphor met aussi à profit son isolement à la maison claire pour lire et écrire. Il écrit d’abord Douce province à partir d’août 1939, qui est publié aux éditions Marguerat à Lausanne en 1940. Cet éditeur avait lu les Evasions d’Olivier Trickmansholm et souhaitait publier ses écrits en Suisse Romande. Seuphor raconte comment il a lui-même auto-censuré ce livre afin qu’il puisse être mis en vente en France pétainiste. Un passage expurgé, qu’il reproduit dans Le jeu de je, démontre la détresse morale que provoque la drôle de guerre :
… Toutes les conversations avaient cessé autour d’eux dans le cortège. Tavier [son personnage] continua d’une seule haleine, ne se laissant pas interrompre :
– L’hitlérisme ne diminue pas mon amour de l’Allemagne. Je ne le considère pas comme une excroissance naturelle de l’Allemagne, ni même de la Prusse, mais de l’homme. L’hitlérisme n’est qu’un des multiples aspects de la méchanceté humaine, c’est une tête de cette hydre qui s’appelle tyrannie et qu’il faut toujours vaincre à nouveau. C’est une épreuve — peut-être nécessaire, peut-être providentielle — de notre courage, de notre capacité d’abnégation, d’héroïsme. Mais cela s’adresse à des hommes, non pas à des larves ou à des ventres ou à des coffres forts. Cette hydre n’a rien de spécifiquement allemand, elle a porté au cours de l’histoire des têtes italiennes, russes, espagnoles, anglaises, françaises. On n’a qu’à se rappeler le duc d’Albe, Charles d’Anjou, Napoléon, Ivan le Terrible, Néron et beaucoup d’autres. À cette haine érigée en système il nous faut opposer l’amour intrépide, l’amour désintéressé mais qui agit et qui veut le bien même de l’ennemi.
Lapierre eut un rire sec :
– Là, vous délirez complètement, mon brave, il n’y a jamais eu question d’amour en politique.
Mais Tavier, subitement, donnait de la voix :
– Et cependant, en politique comme en toute autre matière, c’est sur l’amour que nous serons jugés. Et nous sommes déjà jugés, parce que nous avons vendu nos frères. Se souvient-on qu’en 1914 c’est un petit pays qui sauva la France en lui faisant un bouclier de son corps ? En 1938, c’est le grand qui lâche le petit avec lequel le lie un solennel traité d’assistance. C’est nous qui venons de pratiquer la politique du « chiffon de papier » que nous avons tant maudite. Si ce qu’on appelle la France est l’âme lumineuse des peuples, la France est moribonde. Humiliée, bafouée, ternie, salie, morte !
Malgré de bonnes ventes en Suisse et en France libre, l’éditeur s’oppose à une réédition et le roman suivant, La maison claire, que Seuphor écrit en 1941, est publié par Stanislas Fumet en 1943, à Lyon, aux éditions du livre français qu’il vient de créer. Outre ces livres, Seuphor publie de nombreux articles, des poèmes ainsi que des traductions de poèmes de Goethe, Hölderlin et Gezelle dans plusieurs revues telles que La vie spirituelle, Le mot d’ordre et Positions, etc.
Textes de Seuphor publiés pendant cette période
1940
- Y aura-t-il une poésie de guerre ? ; Fontaine, Ill, IV
- Vincent van Gogh, réflexions au cinquantième anniversaire de sa mort ; La vie intellectuelle, 15.V.
- L’ambassade regarde ; Temps présent, 12. IV.
1941
- Retraite ; Temps Nouveau, 17.1.
- A propos de Péguy présent ; Fontaine 15, IX.
- Goethe, Un extrait du West-öestlicher Divan ; Poésie 41, III.
- « Le Tambourin » poème de Gezelle traduit par Seuphor avec préface, La vie spirituelle.
- Guideo Gezelle, Prêtre et poète (avec cinq poèmes traduits), La vie spirituelle
1942
- Poésie et mystique ; Cahiers du sud, VI.
- Hölderlin (poèmes) ; Confluences, II.
- Histoires des trois oiseaux ; Confluence, VI
- Hölderlin (poèmes) ; Poésie 42, no. 1 Le mot d’ordre, 28.X.
- La Bibliothèque du Peuple ; Le mot d’ordre, 28.I.
- Emmaüs ; Positions, 27.VI /4.VII.
- Sœur Hadewich ; La vie Spirituelle, IX.
- Réflexions sur l’histoire ; Le mot d’ordre, 26. VIII.
- Le réalisme de la croix ; Positions 21, 21. XI.
- Le Silence ; Les Cahiers du sud, 246, V.
- Le feu sur la montagne ; Positions 12, 19. IX.
- Gezelle, La bataille des Eperons d’or ; Position 15, 10.X.
- La colline ; Le mot d’ordre, 16. IX
- Le chemin ; Positions 22/23, 28.XI/5.XII.
- La poésie à son comble ; Positions, 31.X.
- Verbe ; Le mot d’ordre, 25. XI.
Textes de Seuphor publiés pendant cette période
1940
- Y aura-t-il une poésie de guerre ? ; Fontaine, Ill, IV
- Vincent van Gogh, réflexions au cinquantième anniversaire de sa mort ; La vie intellectuelle, 15.V.
- L’ambassade regarde ; Temps présent, 12. IV.
1941
- Retraite ; Temps Nouveau, 17.1.
- A propos de Péguy présent ; Fontaine 15, IX.
- Goethe, Un extrait du West-öestlicher Divan ; Poésie 41, III.
- « Le Tambourin » poème de Gezelle traduit par Seuphor avec préface, La vie spirituelle.
- Guideo Gezelle, Prêtre et poète (avec cinq poèmes traduits), La vie spirituelle
1942
- Poésie et mystique ; Cahiers du sud, VI.
- Hölderlin (poèmes) ; Confluences, II.
- Histoires des trois oiseaux ; Confluence, VI
- Hölderlin (poèmes) ; Poésie 42, no. 1 Le mot d’ordre, 28.X.
- La Bibliothèque du Peuple ; Le mot d’ordre, 28.I.
- Emmaüs ; Positions, 27.VI /4.VII.
- Sœur Hadewich ; La vie Spirituelle, IX.
- Réflexions sur l’histoire ; Le mot d’ordre, 26. VIII.
- Le réalisme de la croix ; Positions 21, 21. XI.
- Le Silence ; Les Cahiers du sud, 246, V.
- Le feu sur la montagne ; Positions 12, 19. IX.
- Gezelle, La bataille des Eperons d’or ; Position 15, 10.X.
- La colline ; Le mot d’ordre, 16. IX
- Le chemin ; Positions 22/23, 28.XI/5.XII.
- La poésie à son comble ; Positions, 31.X.
- Verbe ; Le mot d’ordre, 25. XI.
Seuphor achète énormément de livres à des prix dérisoires et se constitue une bibliothèque de douze mille volumes, qu’il devra vendre lors de son retour à Paris. Il poursuit ainsi son étude de la littérature, de la philosophie et des langues, et apprend notamment l’anglais. Guy de la Mothe, qui avait publié le petit recueil Petits vers vifs en 1937, publie, aux Carnets de l’Oiseau-Mouche, une plaquette intitulée Michel Seuphor – Simple esquisse suivie d’extraits de son œuvre poétique. C’est le premier ouvrage consacré à Seuphor.
Durant l’été 1942, Seuphor fait l’une des rencontres qui va marquer le reste de ses années anduziennes, celle du jeune Pierre-André Benoit (PAB), petit propriétaire foncier d’Alès. Presque un an plus tard, le 9 avril 1943, PAB rend visite aux Seuphor à Anduze et ils nouent une amitié doublée d’une collaboration. Celle-ci débouchera sur l’édition de 45 petits livres de Michel Seuphor, publiés de 1944 à 1952 par la maison d’édition que fonde PAB sous le nom Les Bibliophiles Alésiens. En novembre 1943, PAB organise également une première exposition littéraire de Seuphor à l’école Fléchier d’Alès.
À la même époque, les Seuphor nouent une amitié singulière, mais importante, avec Francis Bernard, un vigneron de Tornac épris de culture et de spiritualité qui leur rend visite régulièrement et devient un admirateur inconditionnel de Seuphor.
« En plus de la nourriture, il nous apportait de la sympathie et de l’admiration pour mes écrits. Dans notre solitude d’Anduze – nous étions là depuis onze ans – nous n’avions jamais rencontré personne de semblable. Cela comptait beaucoup. C’était même très important. » (Un siècle de liberté, p 238).
Francis Bernard produira une importante monographie intitulée Itinéraire spirituel de Michel Seuphor qui traite surtout de l’œuvre littéraire datant de la période 1932-1945, et qu’il fera publier en 1947, à ses propres frais, aux éditions S.P.L.E. à Paris. Un an plus tard, il publiera aussi Michel Seuphor, au carrefour des idées, dans lequel il analyse tous les romans et quelques poèmes que Michel Seuphor a écrit et publié entre 1937 et 1945. Il viendra voir les Seuphor deux fois après leur retour à Paris, promettra d’écrire la suite de son livre, mais mourra d’une crise cardiaque peu après.
En décembre 1942, Seuphor commence la rédaction des aphorismes qu’il publiera en 1944 dans un recueil intitulé
Tout dire, puis, de janvier à mars 1943, il écrit Le visage de Senlis, un nouveau roman à clés où la fiction est plus manifeste que dans Les évasions d’Olivier Trickmansholm. Dans le même temps, les éditions Didier à Paris publient Informations en 1944, un recueil de cinquante textes de pensées et de spiritualité écris à Théoule-sur-Mer en 1934 et sélectionnés par Jacques Maritain. Il continue à publier abondamment dans divers magazines littéraires tels que Positions et Résurrection. Signalons le numéro de Résurrection consacré au poète flamand Guido Gezelle, qui comporte une introduction suivie de 22 poèmes choisis et traduits par Seuphor.
Alors que l’armée allemande occupe le sud de la France et que des troupes de l’Afrika Corps sont stationnées à Anduze, il rédige aussi un long essai Penser c’est être libre, qui ne sera publié que quarante ans plus tard, chez Hippocampe, en 1984.
Seuphor achète énormément de livres à des prix dérisoires et se constitue une bibliothèque de douze mille volumes, qu’il devra vendre lors de son retour à Paris. Il poursuit ainsi son étude de la littérature, de la philosophie et des langues, et apprend notamment l’anglais. Guy de la Mothe, qui avait publié le petit recueil Petits vers vifs en 1937, publie, aux Carnets de l’Oiseau-Mouche, une plaquette intitulée Michel Seuphor – Simple esquisse suivie d’extraits de son œuvre poétique. C’est le premier ouvrage consacré à Seuphor.
Durant l’été 1942, Seuphor fait l’une des rencontres qui va marquer le reste de ses années anduziennes, celle du jeune Pierre-André Benoit (PAB), petit propriétaire foncier d’Alès. Presque un an plus tard, le 9 avril 1943, PAB rend visite aux Seuphor à Anduze et ils nouent une amitié doublée d’une collaboration. Celle-ci débouchera sur l’édition de 45 petits livres de Michel Seuphor, publiés de 1944 à 1952 par la maison d’édition que fonde PAB sous le nom Les Bibliophiles Alésiens. En novembre 1943, PAB organise également une première exposition littéraire de Seuphor à l’école Fléchier d’Alès.
À la même époque, les Seuphor nouent une amitié singulière, mais importante, avec Francis Bernard, un vigneron de Tornac épris de culture et de spiritualité qui leur rend visite régulièrement et devient un admirateur inconditionnel de Seuphor.
« En plus de la nourriture, il nous apportait de la sympathie et de l’admiration pour mes écrits. Dans notre solitude d’Anduze – nous étions là depuis onze ans – nous n’avions jamais rencontré personne de semblable. Cela comptait beaucoup. C’était même très important. » (Un siècle de liberté, p 238).
Francis Bernard produira une importante monographie intitulée Itinéraire spirituel de Michel Seuphor qui traite surtout de l’œuvre littéraire datant de la période 1932-1945, et qu’il fera publier en 1947, à ses propres frais, aux éditions S.P.L.E. à Paris. Un an plus tard, il publiera aussi Michel Seuphor, au carrefour des idées, dans lequel il analyse tous les romans et quelques poèmes que Michel Seuphor a écrit et publié entre 1937 et 1945. Il viendra voir les Seuphor deux fois après leur retour à Paris, promettra d’écrire la suite de son livre, mais mourra d’une crise cardiaque peu après.
En décembre 1942, Seuphor commence la rédaction des aphorismes qu’il publiera en 1944 dans un recueil intitulé
Tout dire, puis, de janvier à mars 1943, il écrit Le visage de Senlis, un nouveau roman à clés où la fiction est plus manifeste que dans Les évasions d’Olivier Trickmansholm. Dans le même temps, les éditions Didier à Paris publient Informations en 1944, un recueil de cinquante textes de pensées et de spiritualité écris à Théoule-sur-Mer en 1934 et sélectionnés par Jacques Maritain. Il continue à publier abondamment dans divers magazines littéraires tels que Positions et Résurrection. Signalons le numéro de Résurrection consacré au poète flamand Guido Gezelle, qui comporte une introduction suivie de 22 poèmes choisis et traduits par Seuphor.
Alors que l’armée allemande occupe le sud de la France et que des troupes de l’Afrika Corps sont stationnées à Anduze, il rédige aussi un long essai Penser c’est être libre, qui ne sera publié que quarante ans plus tard, chez Hippocampe, en 1984.
Articles publiés de 1943 à 1947
1943
- Peur et Prudence ; Positions 30, 6.11.
- Mystique de la Terre ; Résurrection 1
- Un thème d’union ; Les Cahiers du sud, IV
- Hölderlin (poèmes) ; Le mot d’ordre, 2 3.VI.
- Deux notes sur l’amour ; Positions 32, 27.11.
- Poèmes d’Hölderlin ; Positions 39, 24. IV.
- Demain, l’homme ; Positions 40, 8.V.
- Gezelle, prêtre et poète ; témoignages de St. Fumet, R. Pienard, M. Seuphor ; poèmes de Gezelle, traduit par M.S. ; Résurrection Spécial
- Sur les riches ; Résurrection 3
- La charité difficile ; Résurrection 6
- Triptyque ; Positions 42, 22.V.
- Chroniques ; Les Cahiers du sud 255, IV
- Portraits alternés ; Positions 43, 5.VI.
- II y a cent ans, mourait Friedrich Hölderlin ; Le Mot d’ordre, 23.VI.
- Livres ; Positions 45, 19.VI.
- Le sentier, Positions 47
- Pour l’action (A Régis qui sera un homme) ; Positions 50, 7.VIII
- Van Paassen, Le pasteur ; Positions, 11. IX.
- Un naufrage de St. Paul ; Positions, 25. IX/2.X/9.X
1944
- De l’art ; Positions 68, 11.
- Lettre à un jeune critique ; Positions, 72.III.
- Le silence ; 2 dessins de Raymond Gid ; Ed. Les Bibliophiles alésiens
- Christophore et Fête (poèmes pour célébrer la libération de Rome et de Paris) ; Les Bibliophiles Alésiens
- La Charité difficile ou Post-Scriptum pour un poème de guerre ; Résurrection 6
- Christophore ; Positions 76, V
- L’église au grand vent ; Positions 77, VI.
- Les Yeux (poème autographe orné d’un dessin de Madame Vera Idelson Labusquiere) ; Les Bibliophiles alésiens
1945
- Le feu sur la montagne (dessin de Masereel) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Fil de plume ; Les Bibliophiles alésiens
- Autour de Paul Valery ; Terre II
- Le Cœur est dans le cri (extraits) ; Résurrection II (repris du manuscrit de Le style et le cri de 1932)
1946
- « II faut que les jeunes fassent ce qu’ils aiment faire », nous écrit S. ; Le Républicain d’Alès, 12.X.
- Libres pensées ; Humanisme 1
- De quoi écrire ; Les Bibliophiles alésiens
- Pour et contre Benda ; La vie intellectuelle,
- Poème d’amour ; Les Bibliophiles alésiens
- Poésie et amour ; Les Bibliophiles alésiens
- Tableautins français ; Ed. Les Bibliophiles alésiens
- Chante ; Les Bibliophiles alésiens
- A Saint Benoît Labre ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- A Aubagnac avec Seuphor (8 photographies) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Triptyque à Suzanne (3 photographies) ; Les Bibliophiles alésiens
- Trois petits poèmes ; Le Républicain d’Alès, Xll.
1947
- Les papiers de Henri Mézonges trouvés dans sa valise après sa mort ; ·Les Bibliophiles alésiens
- Emmaüs (2 dessins de Seuphor) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Faire l’homme universel ; Quatre mouvements pour annoncer la révolution des temps; Les Bibliophiles alésiens
- Jeux ; Les Bibliophiles alésiens
- Le chevalet et le mur ; Gal. Maeght, Paris ; Derrière le Miroir,
- S./P.A.Benoit, L. Becker, J. Lebeau, R. Morel, Dessins de Robert Morel et Pierre Cabanne ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Rencontres inattendues dans un petit musée de Province ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Le dessin suit son idée, dessin de Survage ; Les Bibliophiles alésiens
- Terre Promise ; Les Bibliophiles alésiens
- Cubistes et abstraits sont les hôtes du Palais des Papes ; Cévennes (Alès), VIll.
- Peinture, Faune et Flore à Monaco ; Cévennes (Alès), IX.
- Picasso à Antibes ; Cévennes (Alès), 22. XI.
Articles publiés de 1943 à 1947
1943
- Peur et Prudence ; Positions 30, 6.11.
- Mystique de la Terre ; Résurrection 1
- Un thème d’union ; Les Cahiers du sud, IV
- Hölderlin (poèmes) ; Le mot d’ordre, 2 3.VI.
- Deux notes sur l’amour ; Positions 32, 27.11.
- Poèmes d’Hölderlin ; Positions 39, 24. IV.
- Demain, l’homme ; Positions 40, 8.V.
- Gezelle, prêtre et poète ; témoignages de St. Fumet, R. Pienard, M. Seuphor ; poèmes de Gezelle, traduit par M.S. ; Résurrection Spécial
- Sur les riches ; Résurrection 3
- La charité difficile ; Résurrection 6
- Triptyque ; Positions 42, 22.V.
- Chroniques ; Les Cahiers du sud 255, IV
- Portraits alternés ; Positions 43, 5.VI.
- II y a cent ans, mourait Friedrich Hölderlin ; Le Mot d’ordre, 23.VI.
- Livres ; Positions 45, 19.VI.
- Le sentier, Positions 47
- Pour l’action (A Régis qui sera un homme) ; Positions 50, 7.VIII
- Van Paassen, Le pasteur ; Positions, 11. IX.
- Un naufrage de St. Paul ; Positions, 25. IX/2.X/9.X
1944
- De l’art ; Positions 68, 11.
- Lettre à un jeune critique ; Positions, 72.III.
- Le silence ; 2 dessins de Raymond Gid ; Ed. Les Bibliophiles alésiens
- Christophore et Fête (poèmes pour célébrer la libération de Rome et de Paris) ; Les Bibliophiles Alésiens
- La Charité difficile ou Post-Scriptum pour un poème de guerre ; Résurrection 6
- Christophore ; Positions 76, V
- L’église au grand vent ; Positions 77, VI.
- Les Yeux (poème autographe orné d’un dessin de Madame Vera Idelson Labusquiere) ; Les Bibliophiles alésiens
1945
- Le feu sur la montagne (dessin de Masereel) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Fil de plume ; Les Bibliophiles alésiens
- Autour de Paul Valery ; Terre II
- Le Cœur est dans le cri (extraits) ; Résurrection II (repris du manuscrit de Le style et le cri de 1932)
1946
- « II faut que les jeunes fassent ce qu’ils aiment faire », nous écrit S. ; Le Républicain d’Alès, 12.X.
- Libres pensées ; Humanisme 1
- De quoi écrire ; Les Bibliophiles alésiens
- Pour et contre Benda ; La vie intellectuelle,
- Poème d’amour ; Les Bibliophiles alésiens
- Poésie et amour ; Les Bibliophiles alésiens
- Tableautins français ; Ed. Les Bibliophiles alésiens
- Chante ; Les Bibliophiles alésiens
- A Saint Benoît Labre ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- A Aubagnac avec Seuphor (8 photographies) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Triptyque à Suzanne (3 photographies) ; Les Bibliophiles alésiens
- Trois petits poèmes ; Le Républicain d’Alès, Xll.
1947
- Les papiers de Henri Mézonges trouvés dans sa valise après sa mort ; ·Les Bibliophiles alésiens
- Emmaüs (2 dessins de Seuphor) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Faire l’homme universel ; Quatre mouvements pour annoncer la révolution des temps; Les Bibliophiles alésiens
- Jeux ; Les Bibliophiles alésiens
- Le chevalet et le mur ; Gal. Maeght, Paris ; Derrière le Miroir,
- S./P.A.Benoit, L. Becker, J. Lebeau, R. Morel, Dessins de Robert Morel et Pierre Cabanne ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Rencontres inattendues dans un petit musée de Province ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Le dessin suit son idée, dessin de Survage ; Les Bibliophiles alésiens
- Terre Promise ; Les Bibliophiles alésiens
- Cubistes et abstraits sont les hôtes du Palais des Papes ; Cévennes (Alès), VIll.
- Peinture, Faune et Flore à Monaco ; Cévennes (Alès), IX.
- Picasso à Antibes ; Cévennes (Alès), 22. XI.
À la Libération de Rome, puis de Paris en 1944, Seuphor publie, avec PAB, Cristophore et Fête, deux poèmes pour célébrer ces deux évènements. Il se voit aussi attribuer, sur proposition de Georges Duhamel de l’Académie française, une bourse de 10 000 francs de l’association ‘Au service de la pensée française’ et en novembre 1944, il se rend à Paris sur les conseils de Duhamel afin de trouver un éditeur. Il signe un contrat d’édition exclusif pour dix ans avec les jeunes éditions du Pavois, qui publient Tout dire en 1944. Cependant, ces éditions feront faillite en 1947, n’ayant publié qu’une réédition des Evasions d’Olivier Trickmansholm et du Visage de Senlis.
À Paris, Seuphor attrape froid et après son retour à Anduze, il manque mourir d’une nouvelle pleurésie. En avril 1945, alors que ses relations avec les habitants se sont dégradées – suite à la parution de Douce Province qui en dresse un portrait au vitriol – et qu’il n’arrive pas à recouvrer la santé dans l’humidité constante de la maison claire, les Seuphor déménagent à Aubagnac, près de Bagnols-sur-Cèze, dans un logement aménagé par un biscuitier local, admirateur de Seuphor. Ils y resteront trois ans.
À Aubagnac, Seuphor rédige un essai, Le contradicteur, resté inédit, et un nouveau roman, Le monde est plein d’oiseaux. C’est dans cet ouvrage qu’apparaît pour la première fois le personnage de Calf, le lisseur de poils de chameau. Seuphor retrouvera ce personnage à la fin des années 1970 et construira, autour de cette étonnante figure de sage rieur, toute une société de personnages hauts en couleurs parmi lesquels il s’inclut.
« Cet ouvrage met un point final à toute cette période d’expériences d’ordre confessionnel et autres. Une nouvelle vie pour moi commence, qui porte comme enseigne la liberté, le jeu, la révision de tout. Je ne serai plus jamais enfant de chœur ni d’aucune religion ni d’aucun parti. Mais je ne cesserai pas d’obéir à la seule chose qui me guide, la souveraineté de l’esprit. » (Le jeu de je, 1976)
Seuphor publie également de nombreux petits textes avec PAB aux éditions les Bibliophiles Alésiens, dont Le feu sur la montagne, Faire l’homme universel, et bien d’autres. Il devient aussi président de l’association des Bibliophiles Alésiens et d’un bulletin, Courrier, qui paraît de juillet 1947 à décembre 1948 (11 numéros), en majorité avec ses textes.
Dans le même temps, il renoue avec le monde de l’art. Tout d’abord, il contribue à la première grande exposition organisée au Stedelijk Museum d’Amsterdam en 1947, en hommage à Piet Mondrian, mort à New York en 1944. Il écrit notamment un texte, Remarques et Souvenirs, qui est publié en deux langues comme préface à l’exposition. Il publie de nombreux articles sur l’art, à la fois dans des revues, par exemple Le cœur est dans le cri qui reprend la théorie développée dans le Style et le Cri, et dans des ouvrages édités par les Bibliophiles Alésiens, notamment dans une série intitulée l’exposition des arguments.
Il publie également des poèmes du peintre Vassily Kandinsky qu’il traduit de l’allemand en français, et le texte d’une conférence donnée à Pont-Saint-Esprit en 1946 intitulée La grande nouveauté de la musique. Ainsi, sa réputation s’installe dans le domaine de l’art. Il se voit confier la rubrique d’art de l’Aube et il commence également à collaborer à la promotion artistique de la Galerie Maeght à Paris, en publiant un article, Le chevalet, le mur, qui paraît dans le magazine de la galerie Derrière le miroir.
Les contacts enthousiastes avec George Duhamel lui permettent d’envisager une carrière littéraire qui nécessite son retour à Paris.
À la Libération de Rome, puis de Paris en 1944, Seuphor publie, avec PAB, Cristophore et Fête, deux poèmes pour célébrer ces deux évènements. Il se voit aussi attribuer, sur proposition de Georges Duhamel de l’Académie française, une bourse de 10 000 francs de l’association ‘Au service de la pensée française’ et en novembre 1944, il se rend à Paris sur les conseils de Duhamel afin de trouver un éditeur. Il signe un contrat d’édition exclusif pour dix ans avec les jeunes éditions du Pavois, qui publient Tout dire en 1944. Cependant, ces éditions feront faillite en 1947, n’ayant publié qu’une réédition des Evasions d’Olivier Trickmansholm et du Visage de Senlis.
À Paris, Seuphor attrape froid et après son retour à Anduze, il manque mourir d’une nouvelle pleurésie. En avril 1945, alors que ses relations avec les habitants se sont dégradées – suite à la parution de Douce Province qui en dresse un portrait au vitriol – et qu’il n’arrive pas à recouvrer la santé dans l’humidité constante de la maison claire, les Seuphor déménagent à Aubagnac, près de Bagnols-sur-Cèze, dans un logement aménagé par un biscuitier local, admirateur de Seuphor. Ils y resteront trois ans.
À Aubagnac, Seuphor rédige un essai, Le contradicteur, resté inédit, et un nouveau roman, Le monde est plein d’oiseaux. C’est dans cet ouvrage qu’apparaît pour la première fois le personnage de Calf, le lisseur de poils de chameau. Seuphor retrouvera ce personnage à la fin des années 1970 et construira, autour de cette étonnante figure de sage rieur, toute une société de personnages hauts en couleurs parmi lesquels il s’inclut.
« Cet ouvrage met un point final à toute cette période d’expériences d’ordre confessionnel et autres. Une nouvelle vie pour moi commence, qui porte comme enseigne la liberté, le jeu, la révision de tout. Je ne serai plus jamais enfant de chœur ni d’aucune religion ni d’aucun parti. Mais je ne cesserai pas d’obéir à la seule chose qui me guide, la souveraineté de l’esprit. » (Le jeu de je, 1976)
Seuphor publie également de nombreux petits textes avec PAB aux éditions les Bibliophiles Alésiens, dont Le feu sur la montagne, Faire l’homme universel, et bien d’autres. Il devient aussi président de l’association des Bibliophiles Alésiens et d’un bulletin, Courrier, qui paraît de juillet 1947 à décembre 1948 (11 numéros), en majorité avec ses textes.
Dans le même temps, il renoue avec le monde de l’art. Tout d’abord, il contribue à la première grande exposition organisée au Stedelijk Museum d’Amsterdam en 1947, en hommage à Piet Mondrian, mort à New York en 1944. Il écrit notamment un texte, Remarques et Souvenirs, qui est publié en deux langues comme préface à l’exposition. Il publie de nombreux articles sur l’art, à la fois dans des revues, par exemple Le cœur est dans le cri qui reprend la théorie développée dans le Style et le Cri, et dans des ouvrages édités par les Bibliophiles Alésiens, notamment dans une série intitulée l’exposition des arguments.
Il publie également des poèmes du peintre Vassily Kandinsky qu’il traduit de l’allemand en français, et le texte d’une conférence donnée à Pont-Saint-Esprit en 1946 intitulée La grande nouveauté de la musique. Ainsi, sa réputation s’installe dans le domaine de l’art. Il se voit confier la rubrique d’art de l’Aube et il commence également à collaborer à la promotion artistique de la Galerie Maeght à Paris, en publiant un article, Le chevalet, le mur, qui paraît dans le magazine de la galerie Derrière le miroir.
Les contacts enthousiastes avec George Duhamel lui permettent d’envisager une carrière littéraire qui nécessite son retour à Paris.
1948
- 4 Quacsitchatrides; Les Bibliophiles alésiens
- L’exposition des arguments ; Saisie motivée des principaux peintres de ce 1. De Matisse à Miro ; 2. De Dufy à Lurat ; 3. Ensor et notes ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Nus dits (poèmes) ; Les Bibliophiles alésiens
- La grande nouveauté de la musique ; Les Bibliophiles alésiens
- Adieu Gard, mon ami ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Peinture fraîche (cat. Picabia) ; Gal. Les Deux Iles
- Souvenirs des temps héroïques (cat. Le Rayonnisme) ; Gal. Les Deux Iles
- Claire et Yvan Goll ; L’Aube,I.
- La destinée de Piet Mondrian ; L’Aube, 1.
- Extrême centre ; L’Aube, 11.
- Un propos sur Alain ; L’Aube, V.
- « Mon Faust » de Valéry ; L’Aube, VI.
- Un Quatuor (S. Delaunay, Tauber, A. Magnelli, J. Arp) ; Gal. Des Deux Iles
- A Suarès, pure et vraie gloire de nos lettres ; L’Aube, IV.
- Contre l’esprit de catastrophe ; L’Aube, 11.
- Ensor et notes ; Les Bibliophiles alésiens
- Lucien Fugrihe ; L’Aube, VII.
- Braque, Picasso et Sophie Taeuber-Arp ; L’Aube, VIIi.
- Les Réalités Nouvelles n’admettent pas les vieilles rengaines. ; L’Aube, VIII.
- Artaud et van Gogh ; L’Aube, 22. IX.
- En 1648 naquit, dans l’atelier de Rembrandt … L’Aube, 2. IX.
- Le tricentenaire de l’Emmaüs de Rembrandt ; L’Aube, IX.
- Le Christ à Emmaüs ; Arts, X.
- Jeunesse de Picabia ; Arts, 19.
- 1948 ; Les Bibliophiles alésiens
- Michel Thompson ; Les Bibliophiles alésiens
- Kandinsky, Rhinocéros (traduction poèmes De S.) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Kandinsky, Conversation de Salon (traduction poèmes de S.) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Dessins visagés (12 lithographies sous couverture) ; Les Bibliophiles alésiens
- Nus Dit ; Les Bibliophiles alésiens
- Revue « Courrier », 10 numéros (juillet 1947 – décembre. 1948) (textes de M. Seuphor, P.A. Benoit, R. Toulouse, Max Jacob, Survage, Jean Arp, Kandinsky, Lurat, Francis Picabia) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Les Arts en province, 5 no’s ; ed. Les Bibliophiles alésiens
1948
- 4 Quacsitchatrides; Les Bibliophiles alésiens
- L’exposition des arguments ; Saisie motivée des principaux peintres de ce 1. De Matisse à Miro ; 2. De Dufy à Lurat ; 3. Ensor et notes ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Nus dits (poèmes) ; Les Bibliophiles alésiens
- La grande nouveauté de la musique ; Les Bibliophiles alésiens
- Adieu Gard, mon ami ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Peinture fraîche (cat. Picabia) ; Gal. Les Deux Iles
- Souvenirs des temps héroïques (cat. Le Rayonnisme) ; Gal. Les Deux Iles
- Claire et Yvan Goll ; L’Aube,I.
- La destinée de Piet Mondrian ; L’Aube, 1.
- Extrême centre ; L’Aube, 11.
- Un propos sur Alain ; L’Aube, V.
- « Mon Faust » de Valéry ; L’Aube, VI.
- Un Quatuor (S. Delaunay, Tauber, A. Magnelli, J. Arp) ; Gal. Des Deux Iles
- A Suarès, pure et vraie gloire de nos lettres ; L’Aube, IV.
- Contre l’esprit de catastrophe ; L’Aube, 11.
- Ensor et notes ; Les Bibliophiles alésiens
- Lucien Fugrihe ; L’Aube, VII.
- Braque, Picasso et Sophie Taeuber-Arp ; L’Aube, VIIi.
- Les Réalités Nouvelles n’admettent pas les vieilles rengaines. ; L’Aube, VIII.
- Artaud et van Gogh ; L’Aube, 22. IX.
- En 1648 naquit, dans l’atelier de Rembrandt … L’Aube, 2. IX.
- Le tricentenaire de l’Emmaüs de Rembrandt ; L’Aube, IX.
- Le Christ à Emmaüs ; Arts, X.
- Jeunesse de Picabia ; Arts, 19.
- 1948 ; Les Bibliophiles alésiens
- Michel Thompson ; Les Bibliophiles alésiens
- Kandinsky, Rhinocéros (traduction poèmes De S.) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Kandinsky, Conversation de Salon (traduction poèmes de S.) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Dessins visagés (12 lithographies sous couverture) ; Les Bibliophiles alésiens
- Nus Dit ; Les Bibliophiles alésiens
- Revue « Courrier », 10 numéros (juillet 1947 – décembre. 1948) (textes de M. Seuphor, P.A. Benoit, R. Toulouse, Max Jacob, Survage, Jean Arp, Kandinsky, Lurat, Francis Picabia) ; ed. Les Bibliophiles alésiens
- Les Arts en province, 5 no’s ; ed. Les Bibliophiles alésiens
1948 – 1953
Paris – New-York et l’art abstrait
En juin 1948, après avoir vendu meubles et bibliothèque, les Seuphor quittent les Cévennes pour s’installer définitivement à Paris.
« Notre départ du Midi était définitif. Mon désir était de ne jamais y retourner. J’avais autant besoin de retrouver le trottoir de Paris, que j’avais eu, quatorze ans auparavant, celui de le quitter ». (Une vie à angle droit, p 83)
Ils logent d’abord, pendant une année, chez les parents de Suzanne, au 2, rue des Beaux-Arts. Cependant, le monde littéraire n’accueille pas Seuphor comme il l’avait espéré. Il est remonté à Paris avec les manuscrits du recueil d’aphorismes, le Contradicteur, et du roman Le monde est plein d’oiseaux, mais il trouve porte close chez tous les éditeurs qu’il avait pressenti. Il publie encore quelques ouvrages avec PAB en 1948, notamment un recueil de 12 lithographies de dessins unilinéaires, Dessins Visagés et Nus dit. Il introduit PAB dans le milieu littéraire de la capitale, puis leur collaboration s’interrompt jusqu’en 1981.
En revanche, il est très rapidement sollicité par les galeries et les éditeurs d’art. Durant les dix années qui suivent, il va consacrer une énergie considérable à écrire des ouvrages et à initier des expositions fondamentales pour la connaissance de l’art moderne, et particulièrement de l’art abstrait géométrique et du constructivisme.
Le jour de son retour à Paris, il est chaleureusement accueilli au vernissage du 2ème Salon des Réalités Nouvelles. Il y rencontre l’artiste Camille Bryen, qui l’introduit à la Galerie Les deux Iles. Très vite, la propriétaire, Mme Bank, lui demande d’organiser des expositions chez elle, ce qu’il fera pendant deux ans avec une très grande liberté d’initiative. On lui doit, entre autres, des expositions d’œuvres de Mikhail Larionov et Natalia Gontcharova (Souvenir des temps héroïques), de Francis Picabia (Peinture fraîche et Point), de Léopold Survage (Grandeur de la petitesse), de Jean Arp, Sophie Taeuber, Sonia Delaunay et Magnelli (dans Un Quatuor), de Soulage et Fleischmann (dans Eloquence de la ligne), d’Hans Richter, d’Huelsenbeck, de Bott, d’Anthoons, etc.
Expositions organisées par Seuphor à la galerie Les deux îles de 1948 à 1950 :
- Peinture fraîche (Expo. Picabia) ; 1948
- Souvenirs des temps héroïques (Expo. Le Rayonnisme), 1948
- Un Quatuor (S. Delaunay, S. Taeuber, A. Magnelli, J. Arp),1948
- Grandeur de la petitesse (Expo. Survage), 1949
- Henri Davring, 1949
- Eloquence de la ligne (Severini, Picabia, S. Tauber, Hartung, Soulages…), 1949
- La fin de tout (Expo. Point, Picabia),1949
- Francis Bott, 1949
- Willy Anthoons, 1950
- Henri Davring (Davringhausen), 1950
- Hans Richter, 1950
- Leo Maillet, 1950
- Charles-Richard, Beate et Tom Hulbeck (Hülsenbeck), 1950
En 1949, à la demande d’Aimé Maeght, le directeur de l’importante galerie du même nom, avec laquelle il avait commencé à collaborer depuis Aubagnac, Seuphor rédige L’art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres. Comme les Seuphor vivent alors encore chez les parents de Suzanne et que leurs affaires sont au garde meuble, il doit écrire de mémoire, aidé par Mikaël Larionov et Nina Kandinsky ainsi que de nombreux artistes et amis qui lui envoient documents et photos. Il assemble d’abord la mise en page sur le lit de leur chambre minuscule, puis travaille pendant des semaines à l’impression du livre à l’imprimerie Union (qui travaille pour la Galerie Maeght), avec une telle assiduité que le contremaître le prend pour un employé. L’ouvrage paraît en mai 1949, avec une couverture de Jean Arp, en même temps que s’ouvre, toujours chez Maeght, en partenariat avec le musée de Grenoble, l’exposition Les premiers maîtres de l’art abstrait que Seuphor aide également à organiser en sollicitant les nombreux artistes abstraits qu’il connait pour qu’ils prêtent des œuvres.
Cette exposition et l’ouvrage qui lui sert de catalogue ont un retentissement considérable, en France comme à l’étranger. Malgré ses 300 pages, le premier tirage de mille exemplaires est immédiatement épuisé et un second tirage de quatre mille exemplaires est enclenché. Les commandes affluent de Stockholm, Rome, New York. Ce livre marque l’entrée de Seuphor (contre son aspiration profonde) dans le domaine de la critique d’art. Seuphor devient collaborateur permanent à la revue Art d’Aujourd’hui.
1948 – 1953
Paris – New-York et l’art abstrait
En juin 1948, après avoir vendu meubles et bibliothèque, les Seuphor quittent les Cévennes pour s’installer définitivement à Paris.
« Notre départ du Midi était définitif. Mon désir était de ne jamais y retourner. J’avais autant besoin de retrouver le trottoir de Paris, que j’avais eu, quatorze ans auparavant, celui de le quitter ». (Une vie à angle droit, p 83)
Ils logent d’abord, pendant une année, chez les parents de Suzanne, au 2, rue des Beaux-Arts. Cependant, le monde littéraire n’accueille pas Seuphor comme il l’avait espéré. Il est remonté à Paris avec les manuscrits du recueil d’aphorismes, le Contradicteur, et du roman Le monde est plein d’oiseaux, mais il trouve porte close chez tous les éditeurs qu’il avait pressenti. Il publie encore quelques ouvrages avec PAB en 1948, notamment un recueil de 12 lithographies de dessins unilinéaires, Dessins Visagés et Nus dit. Il introduit PAB dans le milieu littéraire de la capitale, puis leur collaboration s’interrompt jusqu’en 1981.
En revanche, il est très rapidement sollicité par les galeries et les éditeurs d’art. Durant les dix années qui suivent, il va consacrer une énergie considérable à écrire des ouvrages et à initier des expositions fondamentales pour la connaissance de l’art moderne, et particulièrement de l’art abstrait géométrique et du constructivisme.
Le jour de son retour à Paris, il est chaleureusement accueilli au vernissage du 2ème Salon des Réalités Nouvelles. Il y rencontre l’artiste Camille Bryen, qui l’introduit à la Galerie Les deux Iles. Très vite, la propriétaire, Mme Bank, lui demande d’organiser des expositions chez elle, ce qu’il fera pendant deux ans avec une très grande liberté d’initiative. On lui doit, entre autres, des expositions d’œuvres de Mikhail Larionov et Natalia Gontcharova (Souvenir des temps héroïques), de Francis Picabia (Peinture fraîche et Point), de Léopold Survage (Grandeur de la petitesse), de Jean Arp, Sophie Taeuber, Sonia Delaunay et Magnelli (dans Un Quatuor), de Soulage et Fleischmann (dans Eloquence de la ligne), d’Hans Richter, d’Huelsenbeck, de Bott, d’Anthoons, etc.
Expositions organisées par Seuphor à la galerie Les deux îles de 1948 à 1950 :
- Peinture fraîche (Expo. Picabia) ; 1948
- Souvenirs des temps héroïques (Expo. Le Rayonnisme), 1948
- Un Quatuor (S. Delaunay, S. Taeuber, A. Magnelli, J. Arp),1948
- Grandeur de la petitesse (Expo. Survage), 1949
- Henri Davring, 1949
- Eloquence de la ligne (Severini, Picabia, S. Tauber, Hartung, Soulages…), 1949
- La fin de tout (Expo. Point, Picabia),1949
- Francis Bott, 1949
- Willy Anthoons, 1950
- Henri Davring (Davringhausen), 1950
- Hans Richter, 1950
- Leo Maillet, 1950
- Charles-Richard, Beate et Tom Hulbeck (Hülsenbeck), 1950
En 1949, à la demande d’Aimé Maeght, le directeur de l’importante galerie du même nom, avec laquelle il avait commencé à collaborer depuis Aubagnac, Seuphor rédige L’art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres. Comme les Seuphor vivent alors encore chez les parents de Suzanne et que leurs affaires sont au garde meuble, il doit écrire de mémoire, aidé par Mikaël Larionov et Nina Kandinsky ainsi que de nombreux artistes et amis qui lui envoient documents et photos. Il assemble d’abord la mise en page sur le lit de leur chambre minuscule, puis travaille pendant des semaines à l’impression du livre à l’imprimerie Union (qui travaille pour la Galerie Maeght), avec une telle assiduité que le contremaître le prend pour un employé. L’ouvrage paraît en mai 1949, avec une couverture de Jean Arp, en même temps que s’ouvre, toujours chez Maeght, en partenariat avec le musée de Grenoble, l’exposition Les premiers maîtres de l’art abstrait que Seuphor aide également à organiser en sollicitant les nombreux artistes abstraits qu’il connait pour qu’ils prêtent des œuvres.
Cette exposition et l’ouvrage qui lui sert de catalogue ont un retentissement considérable, en France comme à l’étranger. Malgré ses 300 pages, le premier tirage de mille exemplaires est immédiatement épuisé et un second tirage de quatre mille exemplaires est enclenché. Les commandes affluent de Stockholm, Rome, New York. Ce livre marque l’entrée de Seuphor (contre son aspiration profonde) dans le domaine de la critique d’art. Seuphor devient collaborateur permanent à la revue Art d’Aujourd’hui.
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Dessin à lacunes du 31 décembre 1951 inspiré par La mort de Paul Dermée, qui affecte beaucoup Seuphor
Malgré ces succès, la vie matérielle des Seuphor reste très précaire. Le pécule provenant de la vente des meubles et de la bibliothèque d’Anduze s’étiole. Pourtant, afin de préserver sa liberté, Seuphor refuse la proposition d’Aimé Maeght de devenir directeur de sa fondation, même si cela lui aurait assuré une plus grande stabilité financière. C’est à ce moment qu’il reçoit, des USA, la proposition d’écrire la première monographie sur Piet Mondrian. Le commanditaire est le jeune collectionneur John Senior Junior qui s’est entouré d’un comité d’experts (Guitou Knoop, Louis Carré, Lee Hault, Sidney Janis, et Alfred Barr). Cette monographie doit être publiée par le Museum of Modern Art de New York, dirigé alors par Alfred Barr. L’invitation est assortie d’une avance de 2500 dollars, une fortune pour Seuphor qui plonge avec enthousiasme dans ce projet. Il se met à rassembler des documents, effectue un premier séjour en hollande et rend visite à Arp, en Suisse. Son travail est interrompu par une phlébite qui l’immobilise, en novembre, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, durant 3 semaines. Durant ce séjour forcé, il ne cesse de dessiner, et c’est là qu’il commence à développer ses recherches plastiques sur la ligne.
Rétablit, il se rend à New York en décembre 1950 pour rencontrer le légataire universel de Mondrian, Harry Holtzman, et voir les œuvres dont il a hérité. Son séjour dure trois mois durant lesquels il est l’hôte, d’abord de Fritz Glarner (son ami photographe) puis, plus brièvement, de Huelsenbeck. Il assiste à énormément de réceptions et de vernissages. Il rencontre les principaux artistes d’avant-garde, e.a. Pollock, De Kooning, Rothko, Kline, Stamos, Diller, Xcéron, Motherwell, Gottlieb, Stuart Davis, Richter, Gallatin, Marcel Duchamp, Miss Dreier, Hans Hofmann, Charmion von Wiegand, Kiesler, Morgan Russell, Ad Reinhardt, Barnett Newmann. Il organise une exposition Jean Arp-Sophie Taeuber à la Sidney Janis Gallery, qui fait suite à une première collaboration pour une exposition de Picabia, « Wet Paint », qui avait eu lieu en février 1950. En même temps, il obtient toute la documentation qu’il souhaitait rassembler sur Mondrian, notamment d’Harry Holtzman qui, après plusieurs semaines, se présente enfin à lui et l’invite dans l’entrepôt où il garde ce qui lui reste des affaires et tableaux de Mondrian et lui fait cadeau d’une montre de Mondrian.
« Tout à New York […] fut pour moi inattendu et bénéfique. Je m’en allais prodigieusement plus riche, plus libre et plus léger. Et je sus qu’il y avait un autre continent qui, bientôt, allait certainement valoir le nôtre, un continent qui ne nous quitterait plus, qui allait de plus en plus coller à nous, comme si l’océan n’existait pas. Et, de fait, cet océan a disparu. » (Le jeu de je)
Toujours sur les traces de Mondrian, Seuphor se rend ensuite à Londres, puis de nouveau en Hollande. Ces voyages lui permettent de réunir une documentation exceptionnelle. En juin 1951, de retour à Paris, il y publie un numéro spécial sur la peinture aux Etats-Unis, qui est très bien reçu. C’est une des première fois que l’art moderne américain est présenté aux Européens.
En septembre 1951, il rédige le manuscrit de la monographie sur Mondrian, qu’il envoie un mois plus tard à Alfred Barr. Mais ce n’est qu’au printemps 1952 qu’il reçoit enfin une réponse de celui-ci, lui faisant compliment de son ouvrage mais le jugeant trop métaphysique. Plus tard, Seuphor apprend que le projet américain de publication s’est transformé en un projet comportant trois volumes, le sien, un autre de James Johnson Sweeney, (ancien directeur du Musée d’art moderne de New York qui avait connu Mondrian dans ses années New-yorkaises et qui projetait d’écrire un livre sur lui depuis son décès) et un troisième comprenant sa documentation, mais commentée par Alfred Barr. Seuphor se sent humilié, récupère son manuscrit et refuse de continuer la collaboration, même quand, finalement, Alfred Barr accepte de publier son livre tel quel.
S’ensuivent deux années difficiles mais déterminantes pour l’évolution artistique de Seuphor. Alors qu’il ne trouve pas d’éditeur pour publier son Mondrian, il collabore à plusieurs journaux et prépare plusieurs catalogues d’expositions, mais sans réussir à gagner sa vie. Le seul et maigre revenu stable du foyer provient de son contrat de correspondant parisien pour la revue d’art américaine Art Digest. Il vit alors avec Suzanne et Régis dans deux petites chambres de bonnes au 5 rue de la Condamine près de la place de Clichy. Malgré sept étages sans ascenseur, « le monde entier y est venu ». (Une vie à angle droit, p 89)
Durant cette période, Seuphor dessine abondamment, souvent comme « un remède pour éviter les paniques » (titre de l’un de ses dessins de l’époque), explorant la ligne tracée à l’encre de Chine avec une plume que son fils utilise à l’école et du papier ‘Jésus’, d’excellente qualité, offert par la nièce de Jean Arp. Peu à peu, la discipline s’impose à lui et devient créatrice. C’est ainsi que commence la production, ininterrompue jusqu’à sa mort, de ce que qu’il nommera les dessins à lacunes à traits horizontaux.
« J’avais commencé en 1949-50 une série de dessins que je voulais développer coûte que coûte. Surtout qu’à ce moment-là, j’étais sur les traces de la fin de vie de Mondrian. J’étais en contact étroit avec ce que j’avais reçu de lui, avec la philosophie de l’horizontale et de la verticale. C’était sur cela que s’étendait ma réflexion en cette année 1951. Je voulais appliquer en moi-même l’essentiel de ce que j’avais reçu. Et, à travers ma vision, c’était le moyen pauvre. Et plus le moyen était pauvre, plus il était riche dans les résultats qu’on pouvait en tirer. La plume à la main, cette réflexion m’a amené à développer le dessin en grand format. Ce que j’ai appelé dessins à lacunes. » (Une vie à angle droit, p 106)
Seuphor raconte aussi comment, ayant appris qu’il dessinait, les collectionneurs Burton et Emily Trémaine n’hésitèrent pas à monter les sept étages sans ascenseur pour acheter deux grands dessins pour quinze mille francs, un apport financier imprévu et très salutaire dans cette période de disette (Une vie à angle droit, p 110).
Seuphor poursuit également sa réflexion sur l’art abstrait et donne une première conférence importante en 1953 à Liège sur la Mission spirituelle de l’art, à propos de l’œuvre de d’Arp et de Sophie Taeuber. Dans le même temps, ses dessins à lacunes s’enrichissent de collages et certains évoluent vers des séries.
En juin 1953, à l’initiative de Jean Arp et de sa future seconde épouse, Marguerite Hagenbach, qui leur prête l’argent, les Seuphor signent l’achat de l’appartement qu’ils habiteront jusqu’à la fin de leur vie, dans le quinzième arrondissement parisien, au 83 avenue Emile Zola.
Malgré ces succès, la vie matérielle des Seuphor reste très précaire. Le pécule provenant de la vente des meubles et de la bibliothèque d’Anduze s’étiole. Pourtant, afin de préserver sa liberté, Seuphor refuse la proposition d’Aimé Maeght de devenir directeur de sa fondation, même si cela lui aurait assuré une plus grande stabilité financière. C’est à ce moment qu’il reçoit, des USA, la proposition d’écrire la première monographie sur Piet Mondrian. Le commanditaire est le jeune collectionneur John Senior Junior qui s’est entouré d’un comité d’experts (Guitou Knoop, Louis Carré, Lee Hault, Sidney Janis, et Alfred Barr). Cette monographie doit être publiée par le Museum of Modern Art de New York, dirigé alors par Alfred Barr. L’invitation est assortie d’une avance de 2500 dollars, une fortune pour Seuphor qui plonge avec enthousiasme dans ce projet. Il se met à rassembler des documents, effectue un premier séjour en hollande et rend visite à Arp, en Suisse. Son travail est interrompu par une phlébite qui l’immobilise, en novembre, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, durant 3 semaines. Durant ce séjour forcé, il ne cesse de dessiner, et c’est là qu’il commence à développer ses recherches plastiques sur la ligne.
Rétablit, il se rend à New York en décembre 1950 pour rencontrer le légataire universel de Mondrian, Harry Holtzman, et voir les œuvres dont il a hérité. Son séjour dure trois mois durant lesquels il est l’hôte, d’abord de Fritz Glarner (son ami photographe) puis, plus brièvement, de Huelsenbeck. Il assiste à énormément de réceptions et de vernissages. Il rencontre les principaux artistes d’avant-garde, e.a. Pollock, De Kooning, Rothko, Kline, Stamos, Diller, Xcéron, Motherwell, Gottlieb, Stuart Davis, Richter, Gallatin, Marcel Duchamp, Miss Dreier, Hans Hofmann, Charmion von Wiegand, Kiesler, Morgan Russell, Ad Reinhardt, Barnett Newmann. Il organise une exposition Jean Arp-Sophie Taeuber à la Sidney Janis Gallery, qui fait suite à une première collaboration pour une exposition de Picabia, « Wet Paint », qui avait eu lieu en février 1950. En même temps, il obtient toute la documentation qu’il souhaitait rassembler sur Mondrian, notamment d’Harry Holtzman qui, après plusieurs semaines, se présente enfin à lui et l’invite dans l’entrepôt où il garde ce qui lui reste des affaires et tableaux de Mondrian et lui fait cadeau d’une montre de Mondrian.
« Tout à New York […] fut pour moi inattendu et bénéfique. Je m’en allais prodigieusement plus riche, plus libre et plus léger. Et je sus qu’il y avait un autre continent qui, bientôt, allait certainement valoir le nôtre, un continent qui ne nous quitterait plus, qui allait de plus en plus coller à nous, comme si l’océan n’existait pas. Et, de fait, cet océan a disparu. » (Le jeu de je)
Toujours sur les traces de Mondrian, Seuphor se rend ensuite à Londres, puis de nouveau en Hollande. Ces voyages lui permettent de réunir une documentation exceptionnelle. En juin 1951, de retour à Paris, il y publie un numéro spécial sur la peinture aux Etats-Unis, qui est très bien reçu. C’est une des première fois que l’art moderne américain est présenté aux Européens.
En septembre 1951, il rédige le manuscrit de la monographie sur Mondrian, qu’il envoie un mois plus tard à Alfred Barr. Mais ce n’est qu’au printemps 1952 qu’il reçoit enfin une réponse de celui-ci, lui faisant compliment de son ouvrage mais le jugeant trop métaphysique. Plus tard, Seuphor apprend que le projet américain de publication s’est transformé en un projet comportant trois volumes, le sien, un autre de James Johnson Sweeney, (ancien directeur du Musée d’art moderne de New York qui avait connu Mondrian dans ses années New-yorkaises et qui projetait d’écrire un livre sur lui depuis son décès) et un troisième comprenant sa documentation, mais commentée par Alfred Barr. Seuphor se sent humilié, récupère son manuscrit et refuse de continuer la collaboration, même quand, finalement, Alfred Barr accepte de publier son livre tel quel.
S’ensuivent deux années difficiles mais déterminantes pour l’évolution artistique de Seuphor. Alors qu’il ne trouve pas d’éditeur pour publier son Mondrian, il collabore à plusieurs journaux et prépare plusieurs catalogues d’expositions, mais sans réussir à gagner sa vie. Le seul et maigre revenu stable du foyer provient de son contrat de correspondant parisien pour la revue d’art américaine Art Digest. Il vit alors avec Suzanne et Régis dans deux petites chambres de bonnes au 5 rue de la Condamine près de la place de Clichy. Malgré sept étages sans ascenseur, « le monde entier y est venu ». (Une vie à angle droit, p 89)
Durant cette période, Seuphor dessine abondamment, souvent comme « un remède pour éviter les paniques » (titre de l’un de ses dessins de l’époque), explorant la ligne tracée à l’encre de Chine avec une plume que son fils utilise à l’école et du papier ‘Jésus’, d’excellente qualité, offert par la nièce de Jean Arp. Peu à peu, la discipline s’impose à lui et devient créatrice. C’est ainsi que commence la production, ininterrompue jusqu’à sa mort, de ce que qu’il nommera les dessins à lacunes à traits horizontaux.
« J’avais commencé en 1949-50 une série de dessins que je voulais développer coûte que coûte. Surtout qu’à ce moment-là, j’étais sur les traces de la fin de vie de Mondrian. J’étais en contact étroit avec ce que j’avais reçu de lui, avec la philosophie de l’horizontale et de la verticale. C’était sur cela que s’étendait ma réflexion en cette année 1951. Je voulais appliquer en moi-même l’essentiel de ce que j’avais reçu. Et, à travers ma vision, c’était le moyen pauvre. Et plus le moyen était pauvre, plus il était riche dans les résultats qu’on pouvait en tirer. La plume à la main, cette réflexion m’a amené à développer le dessin en grand format. Ce que j’ai appelé dessins à lacunes. » (Une vie à angle droit, p 106)
Seuphor raconte aussi comment, ayant appris qu’il dessinait, les collectionneurs Burton et Emily Trémaine n’hésitèrent pas à monter les sept étages sans ascenseur pour acheter deux grands dessins pour quinze mille francs, un apport financier imprévu et très salutaire dans cette période de disette (Une vie à angle droit, p 110).
Seuphor poursuit également sa réflexion sur l’art abstrait et donne une première conférence importante en 1953 à Liège sur la Mission spirituelle de l’art, à propos de l’œuvre de d’Arp et de Sophie Taeuber. Dans le même temps, ses dessins à lacunes s’enrichissent de collages et certains évoluent vers des séries.
En juin 1953, à l’initiative de Jean Arp et de sa future seconde épouse, Marguerite Hagenbach, qui leur prête l’argent, les Seuphor signent l’achat de l’appartement qu’ils habiteront jusqu’à la fin de leur vie, dans le quinzième arrondissement parisien, au 83 avenue Emile Zola.
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Dessin à lacunes du 31 décembre 1951 inspiré par La mort de Paul Dermée, qui affecte beaucoup Seuphor
1954 – 1971
épanouissement artistique
En janvier 1954, Jean Arp engage la galerie Berggruen à Paris à faire une exposition des dessins à lacunes de Seuphor. Arp écrit la préface de l’exposition, qui est très bien reçue.
« Michel Seuphor dessine depuis longtemps, longtemps. Il dessinait le jour, la nuit, en toute saison. Il dessinait sur des enveloppes, sur des bouts de papier, sur des nappes, sur les murs. Il dessinait comme enfant, jeune homme, adulte, vieillard, puis il reprenait par le début et dessinait une nouvelle fois comme enfant, comme jeune homme, jusqu’à ce que, dans le second cycle, il se rendit compte, adulte, qu’il dessinait bien… » (Arp, préface au catalogue « Seuphor, dessins à lacunes », Galerie Berggruen, 1954)
Cette année-là, Seuphor fait la connaissance du directeur des éditions Hypérion, qui est d’accord pour publier le Mondrian, mais souhaite d’abord qu’il réalise un dictionnaire de l’art abstrait. Seuphor travaille pendant plusieurs mois à cet ouvrage, dans des conditions toujours très précaires. Malheureusement, quelques mois plus tard, cet éditeur décède subitement, et le double projet tombe à l’eau. C’est alors qu’on sollicite Seuphor pour contribuer à un Dictionnaire sur la peinture moderne en préparation aux éditions Hazan. La collaboration s’engage, et la publication du Dictionnaire de la peinture moderne en 1954, avec un chapitre de Seuphor sur la peinture abstraite, prépare le terrain pour la publication du Dictionnaire de la peinture abstraite, cette fois entièrement écrit par Seuphor, chez le même éditeur en 1957.
En 1955, Seuphor donne une nouvelle conférence intitulée Humanisme de Mondrian à l’occasion de l’exposition Mondriaan au Gemeentemuseum de la Haye. Au même moment, le peintre et ami de Seuphor, Willi Baumeister le met en contact avec l’éditeur Gutbrot, qui se prépare à rejoindre la grande maison d’édition allemande DuMont-Schauberg basée à Cologne, et qui pourrait publier le Mondrian. Rendez-vous est pris à Paris et ils décident d’un commun accord de publier l’ouvrage ‘pour le plaisir’. L’édition allemande sort à l’été 1956, et la traduction anglaise chez Abrams à New York pour Noël. La critique du Sunday Times, très attendue, paraît début janvier 1957 ; elle est extrêmement positive. Le livre devient immédiatement une référence incontournable. La version originale française est publiée par Flammarion à l’été 1957 et une version italienne est publiée chez Montadori à Milan l’année suivante. Cette même année 1957, Seuphor donne une nouvelle conférence intitulée Mondrian Inactuel au Musée des Beaux-arts d’Anvers (qu’il reprendra à Milan et à Copenhague en 1959).
Le Dictionnaire de la peinture abstraite publié chez Hazan parait en 1957 à l’occasion d’une grande exposition intitulée 50 ans de peinture abstraite et organisée à la galerie Creuze à Paris. À quelques exceptions près, tous les artistes répertoriés dans le Dictionnaire de la peinture abstraite y sont exposés. Cet ouvrage paraît simultanément en traductions à Londres, Munich, Buenos Aires et devient un livre de référence.
En 1958, le Mondrian est réimprimé pour la collection poche a.b.c. chez Hazan et une édition de poche néerlandaise, Mondriaan, composities paraît aussi aux éditions Boucher à la Haye. Hormis Mondrian, Seuphor écrit aussi beaucoup de préfaces à des catalogues d’expositions et de très nombreux articles sur l’art abstrait et ses artistes, notamment dans Art d’Aujourd’hui et Art Digest.
Les années 50 voient aussi de nouveaux développements pour Seuphor en tant qu’artiste. En 1954, le professeur Hammacher, directeur du musée Kröller-Müller en Hollande, propose à Seuphor de faire réaliser des tapisseries d’après ses dessins à lacunes. Peu de temps après, il organise la commande de deux pièces, Feu et Devenir, destinées à la nouvelle maison de la province de Gueldre à Arnhem en hollande. Elles sont réalisées par deux tisserands Hollandais qui y travaillent près de quatre ans. Le directeur général des arts et lettres de Belgique de l’époque, Emile Langui, remarque ce projet et met Seuphor en relation avec la tisserande Elisabeth de Saedeleer pour réaliser une série de tapisseries murales pour le gouvernement Belge. Vingt-cinq tapisseries sont ainsi réalisées à partir de dessins à lacunes entre 1959 et 1963.
Par ailleurs, en 1957, les dessins à lacunes de Michel Seuphor sont exposés avec des œuvres de Jean Arp et Sophie Taeuber à Vienne et à Cologne.
« Ce ne fut pas une petite joie pour moi de voir, sur tous les murs de Vienne, l’affiche jaune et blanc avec les trois noms. Est-il plaisir plus innocent que de voir l’amitié courir la rue et se mesurer sur les murs des villes avec de la publicité moins pure ? » (Le jeu de je, 1976)
L’amitié que Seuphor partage avec Jean Arp prend une place tout à fait centrale pour Seuphor dans la période de l’après-guerre. Seuphor publie beaucoup sur son art, notamment pour une grande exposition à la Biennale de Venise en 1954, suivie d’un article dans Art Digest, et d’une première monographie publiée en 1957, à l’occasion de l’exposition Cinquante ans de peinture abstraite. De même, Arp soutient la promotion des dessins de Seuphor, et il influence aussi son art. Cela s’exprime, par exemple, dans la réalisation de dessins à lacunes avec collages à partir de dessins à lacunes déchirés. Cette idée nait d’un geste de Arp qui, un jour, récupère des morceaux de dessins à lacunes déchirés par Seuphor dans la corbeille de son atelier et, en s’amusant, en propose une composition dont Seuphor fait une nouvelle œuvre.
Seuphor a célébré la profonde amitié artistique qu’il a partagée avec Arp et Mondrian dans ses dessins, en particulier avec les deux remarquables ensembles de 6 parties intitulés Prajna paramita aux donateurs.
En 1959, les dessins à lacunes de Seuphor sont exposés pour la première fois à la Galerie Denise René avec les deux grandes tapisseries murales Feu et Devenir. Une seconde exposition est organisée à la Galerie Il Grattacielo, à Milan. C’est dans cette période faste que Seuphor se met à composer ses premiers grands assemblages.
En 1958, Seuphor écrit La Sculpture de ce siècle, qui paraît en 1959 aux éditions du Griffon à Neuchâtel et connaît un grand succès. La traduction allemande est publiée par DuMont Schauberg et la traduction américaine par Braziller à New York. Un peu plus tard, Seuphor entreprend une tournée de conférences qu’il intitule La notion d’architecture dans la peinture contemporaine (Bruxelles, Bruges, Gand, Zagreb).
Dans cette période, il participe aussi activement à la mise sur pied de l’exposition Construction and Geometry in Painting qui a lieu en 1959 à la galerie Chalette de New York et qui circule à travers les Etats-Unis en 1960. Il produit notamment une importante préface intitulée The idea of Construction pour le catalogue de cette exposition, et édite Mission spirituelle de l’art en version bilingue franco-anglaise.
Sa renommée artistique s’étend aux Etats-Unis où il expose pour la première fois, en 1961, à la Galerie Esther Robles de Los Angeles. Il organise aussi une exposition Arp-Mondrian à la galerie Sydney Janis.
En 1962, il expose à la Galerie Lorenzelli à Bergame.
En 1961 et 1962, il écrit deux nouveaux et importants ouvrages d’histoire de l’art : La Peinture abstraite, sa genèse, son expansion reçoit une résonnance internationale considérable et paraît en français chez Flammarion et presque simultanément en version allemande sous le titre Abstrakte Malerei : Von Kandinsky bis z. Gegenwart, en version Américaine sous le titre Abstract Painting fifty years of accomplishment from Kandinsky to Jackson Pollock ; en version espagnole sous le titre Pintura Abstracta et en version Italienne sous le titre Pittori Astrati.
La peinture abstraite en Flandre est une commande de Maurits Naessens, directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas à Bruxelles, qui est introduit auprès de Seuphor en 1960 par son ami le peintre Luc Peire.
Plutôt réticent au départ, Seuphor finit par accepter après avoir obtenu l’assistance de trois collaborateurs : Maurits Bilcke, Léon-Louis Sosset et Jan Wallravens. Pendant deux ans, il effectue de multiples voyages en Flandres où il visite tous les ateliers d’artistes. Maurits Naessens et ses collaborateurs insistent aussi pour que ses propres œuvres soient incluses dans cet ouvrage. En 1963, l’ouvrage paraît en quatre langues : le français pour l’édition originale, l’anglais, le néerlandais et l’allemand. Seuphor présente l’ouvrage lors d’une célébration officielle à l’Opéra royal d’Anvers, au cours de laquelle il tient un discours dans ces mêmes quatre langues.
En 1963, il publie également une monographie sur son ami le peintre israélien Marcel Janco.
À Paris cette même année, Michel Seuphor est fait chevalier des Arts et des Lettres, alors que la galerie Denise René publie l’album Intimes étendues en sérigraphies d’après ses dessins et collages, prémice d’une seconde exposition importante des dessins à lacunes. Au cours de cette dernière, un disque intitulé « Quand la mesure est pleine-cantate à 3 voix » parait, qui a été réalisé par le Centre national d’art français en 1971 à partir d’un poème de Seuphor récité sur une composition musicale très contemporaine du pianiste franco-hongrois Paul Arma, inspiré par une exposition de tableaux-poèmes de Seuphor.
En 1963 et 1964, Seuphor se rend en Grèce, à Athènes (la deuxième fois avec Suzanne). Ces voyages de ‘retours aux sources’ philosophiques et littéraires sont très inspirants pour l’artiste, comme l’attestent plusieurs de ses œuvres majeures, notamment le poème « Prière sur l’Acropole », et de nombreux dessins à lacunes avec des inscriptions en grec.
En février 1964, Serge Gauthier, directeur de la Manufacture nationale de porcelaine de Sèvres, contacte Seuphor pour lui proposer de transcrire ses dessins sur des céramiques. Pendant près d’un mois, Seuphor travaille avec le maître artisan de la Manufacture André Plantard, qui décore plusieurs vases, dont deux grands vases de Maurice Gensoli dits « de deux mètres de haut », qu’il nomme, en grec, Ορφεύς (Orphée) et σωφροσύνη (sagesse, modération) à partir de dessins à lacunes sur le thème orphique. Les deux vases sont acquis, par l’intermédiaire d’une commission venue d’Iran, pour la cour impériale de Téhéran. Une nouvelle version, légèrement retouchée, des deux vases sera réalisée et acquise par le ministère Belge des PTT en 1972. En 1968, Seuphor publie un article dans la revue Leonardo dans lequel il raconte l’application technique des dessins à lacunes en céramiques et tapisseries.
En 1965 Seuphor obtient la nationalité française.
En 1964, les éditions du Seuil publient Le style et le cri, quatorze essais sur l’art de ce siècle, dans lequel Seuphor revient sur l’expérience de Cercle et Carré, et qui contient aussi une réédition de La Mission spirituelle de l’art ainsi qu’un essai intitulé Trente et une réflexions sur un thème, le cri et du style, qu’il avait abordé dans un article du même titre publié dix ans plus tôt, en 1955, dans la revue Aujourd’hui (en revanche, ce livre n’a pas de lien direct avec le texte Le style et le cri que Seuphor avait rédigé en 1932).
Dans la foulée, alors qu’il a obtenu une carte officialisant son statut de critique d’art, il écrit un autre essai important, Le commerce de l’art. Cet ouvrage limpide et perspicace, qui met en lumière les motivations des divers protagonistes du monde de l’art, est publié aux éditions Desclée-De-Brouwer en 1966 et, comme il pouvait s’y attendre, est boudé par la critique.
Sur le plan artistique, dans les années 60, Seuphor renoue également avec sa production poétique. Lors de son exposition chez Denise Renée en 1959, il avait rencontré le poète et directeur de la revue Cinquième Saison Henri Chopin, introduit par Edmond Humeau. À la suite de cette rencontre, en 1960-62, Seuphor collabore avec Chopin et la compositrice et productrice de radio Maguy Lovano à la promotion et à l’historicisation de la poésie expérimentale des années vingt, dont la revue Cinquième Saison se fait la vitrine. Dans ce cadre, Seuphor publie plusieurs de ses poèmes (Nuit sans retouche et Solaire dans le numéro 11, Berceuse et fugue dans le numéro 12, tous deux de 1961). De plus, sa pièce de théâtre L’éphémère est éternel est reproduite dans le numéro 18 publié en 1963. L’épouse d’Henri Chopin, Jean Ratcliffe, d’origine écossaise, réalise une traduction anglaise de la pièce dans le but de la faire monter par les élèves de l’académie de Bath en Angleterre, mais ce projet n’aboutit pas.
En 1964, Seuphor enregistre Sept poèmes de 1927 à 1963 en Hommage à Cercle et Carré à la maison Hug de Zurich et les publie avec Six biseautages de Gottfried Honegger aux éditions Adölf Hürlimann. Mais c’est en 1966 qu’intervient un développement majeur, quand des élèves du sculpteur suisse Hansjörg Gisiger, ami de Seuphor qui leur a lu quelques-uns de ses poèmes alors inédits, s’enthousiasment pour la poésie de Seuphor et décident de créer une maison d’édition qui prend le nom de Hanc, pour publier son recueil La Vocation des Mots. Seuphor a souligné l’importance de cette publication.
« Ce livre a beaucoup compté dans mon existence, car il est un résumé et contient des exemples de toutes mes expériences en poésie » (Une vie à angle droit, p 117)
Deux ans plus tard, en 1968, Les Hanc publient aussi Le Monde est plein d’oiseaux, le roman que Seuphor avait ramené du sud à Paris en 1948, et Paraboliques, un recueil dont quelques textes avaient été d’abord publiés par la galerie Lorezzeli à Bergame. Les Hanc organisent également une exposition de Seuphor au Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds dans le comté de Neuchâtel, accompagnée d’une création du compositeur Francis Miroglio, illustrant le dessin en six parties Concerto. Peu après, cependant, le groupe se disperse et la maison d’édition disparaît.
En 1966, une exposition plus importante est organisée au Musée des Beaux-Arts de Nantes. Il s’agit de la première rétrospective consacrée à Seuphor, où les grands ensembles sont aussi exposés pour la première fois. Le musée acquiert à cette occasion le dessin en sept parties d’Abîmes en abîmes.
La même année, Seuphor donne une conférence à Zurich Les sources littéraires chez Arp et Mondrian et deux conférences à Besançon La fonction sociale de l’artiste et La tendance à la répétition des signes géométriques simples dans l’art contemporain (grâce à l’amitié qu’il a nouée avec les professeurs de l’Ecole des Beaux-Arts Besançon, et notamment le peintre Jean Ricardon).
En 1967, Seuphor est invité à exposer ses dessins à lacunes au Musée Sztuki de Lódz, en Pologne communiste. Au début des années 30, il avait contribué à la création des toutes premières salles dédiées, dans ce musée, à l’art abstrait en Europe. Il avait notamment donné des œuvres de sa collection personnelle (de Vordemberge-Gildewart, Werkman, Huzar, Paul Joostens et Charchoune). Il se rend au vernissage et donne à Lódz et Varsovie sa conférence sur La tendance à la répétition des signes géométriques simples dans l’art contemporain. Le catalogue, Poezja plastyka, reproduit 8 œuvres de Seuphor et des textes en français et en polonais de Ryszard Stanisławski et Jan Brzekowski.
La notoriété parisienne de Seuphor grandit. Il met en chantier sa première grande tapisserie à la manufacture des Gobelins à partir d’un assemblage en 12 parties intitulé Polymnie, une œuvre en noir et blanc mesurant 266 cm de haut sur 614 cm de long.
L’année suivante, en 1968, une autre tapisserie Quel destin ? Quel ruissellement d’Etoiles ? Quel spectacle ? de trois mètres sur cinq est réalisée dans les ateliers d’Yvette Cauquil-Prince, à Paris, pour la nouvelle faculté de Droit de l’Université de Bordeaux. En octobre 1968, Seuphor explique la traduction des dessins à lacunes en tapisseries et céramiques dans un article publié dans le journal Leonardo –.
Le Musée National d’Art Moderne de la ville de Paris lui achète l’assemblage en huit parties avec collages intitulé « La Mort d’Orphée ».
Toujours réactif aux évènements sociaux majeurs, Seuphor s’affirme poétiquement comme un homme de paix et de lien. Ainsi, s’il sympathise avec le mouvement de mai 68 qui se déroule sous ses fenêtres, il est vite heurté par la violence des manifestations.
« Les événements de mai 1968 ne soulevèrent pas mon enthousiasme. Je méprise la violence, les brailleurs de tréteaux, les fortes paroles remplies de vide. Je ne crois pas que la Révolution française a été faite par les coupeurs de têtes, ni par les démolisseurs de la Bastille, mais par les rédacteurs attentifs de la Déclaration des Droits de l’homme et par les grands penseurs du siècle qui précédèrent l’orage. » (Le jeu de je)
Il consigne ses réactions aux évènements sous forme poétique et ironique dans un petit recueil, Brefs, qu’il envoie à son ami Paolo Fanci à Milan et que celui-ci publie chez Scheiwiller en 1969. C’est à Milan également, que L’Ephémère est éternel, est mis en scène pour la première fois, en 1968, en italien, par le groupe expérimental Il Parametro avec les trois décors réalisés d’après les maquettes de Mondrian en 1926. À cause de la grève générale, Seuphor ne peut pas se rendre aux répétitions, mais il assiste à la neuvième et dernière représentation. À l’occasion de ce séjour à Milan, il donne une nouvelle fois sa conférence sur La fonction sociale de l’artiste.
Les collaborations italiennes se multiplient. En 1969, les galeries d’art italiennes Martano, à Turin, et Lorenzelli, à Bergame, rééditent en fac-similé les trois numéros de la revue Cercle et Carré (1930). Ces deux galeries publient également, en 1970, Le chantier, un poème burlesque illustré avec six bois originaux. Fin 1969, une exposition est organisée à la galerie Rizzoli de Rome sur le thème « le système et la Règle ». Enfin, de grandes mosaïques sont réalisées à partir de ses dessins à lacunes pour le Musée d’art moderne de la Fondazione Pagani à Legnano.
En France, du 18 janvier au 31 mars 1969, Seuphor initie et organise, avec André Berne Joffroy (chargé de mission pour la réunion des musées nationaux) et les services techniques du Musée du Louvre, la première grande exposition Mondrian française au Musée de l’Orangerie, pour laquelle il prête des œuvres et dont il préface le catalogue.
En 1970, sa monographie sur Mondrian est rééditée en français et une quatrième réimpression paraît en langue anglaise. La même année, Seuphor écrit « L’archet », une sorte de récital poétique et provocateur que Maguy Lovano met en scène dans le parc de Vincennes pour le salon des réalités nouvelles. Il continue à beaucoup voyager et retourne notamment à New york avec Suzanne.
En mars et juillet 1970, Seuphor écrit successivement Le don de la parole, réflexion sur le langage puis Les dimensions de la liberté, deux ouvrages de réflexions philosophiques, qui seront publiés en 1970 et 1973 par les éditions Mallier.
En 1971, une nouvelle rencontre avec Aimé Maeght débouche sur la réédition de L’art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres, et la commande de trois nouveaux volumes qui veulent offrir un premier panorama de l’art abstrait dans le monde. Seuphor compose entièrement le numéro 2. Il partage la réalisation du numéro 3 avec Michel Ragon qui poursuit avec le volume 4. Les quatre volumes paraissent sous le titre L’Art Abstrait entre 1971 et 1974.
En 1971, Seuphor réédite les textes de Cercle et Carré chez Belfond et écrit une longue préface, dans laquelle il rend compte de manière détaillée de l’histoire et de l’importance de ce mouvement dans l’histoire de l’art abstrait. Il donne aussi une série de quatre conférences à la Sorbonne entre 1971 et 1972 : Les sources littéraires chez Arp et Mondrian ; La tendance à la répétition des signes géométriques simples dans l’art contemporain ; Valeur de la figuration et de la non-figuration et La fonction sociale de l’artiste.
1954 – 1971
épanouissement artistique
En janvier 1954, Jean Arp engage la galerie Berggruen à Paris à faire une exposition des dessins à lacunes de Seuphor. Arp écrit la préface de l’exposition, qui est très bien reçue.
« Michel Seuphor dessine depuis longtemps, longtemps. Il dessinait le jour, la nuit, en toute saison. Il dessinait sur des enveloppes, sur des bouts de papier, sur des nappes, sur les murs. Il dessinait comme enfant, jeune homme, adulte, vieillard, puis il reprenait par le début et dessinait une nouvelle fois comme enfant, comme jeune homme, jusqu’à ce que, dans le second cycle, il se rendit compte, adulte, qu’il dessinait bien… » (Arp, préface au catalogue « Seuphor, dessins à lacunes », Galerie Berggruen, 1954)
Cette année-là, Seuphor fait la connaissance du directeur des éditions Hypérion, qui est d’accord pour publier le Mondrian, mais souhaite d’abord qu’il réalise un dictionnaire de l’art abstrait. Seuphor travaille pendant plusieurs mois à cet ouvrage, dans des conditions toujours très précaires. Malheureusement, quelques mois plus tard, cet éditeur décède subitement, et le double projet tombe à l’eau. C’est alors qu’on sollicite Seuphor pour contribuer à un Dictionnaire sur la peinture moderne en préparation aux éditions Hazan. La collaboration s’engage, et la publication du Dictionnaire de la peinture moderne en 1954, avec un chapitre de Seuphor sur la peinture abstraite, prépare le terrain pour la publication du Dictionnaire de la peinture abstraite, cette fois entièrement écrit par Seuphor, chez le même éditeur en 1957.
En 1955, Seuphor donne une nouvelle conférence intitulée Humanisme de Mondrian à l’occasion de l’exposition Mondriaan au Gemeentemuseum de la Haye. Au même moment, le peintre et ami de Seuphor, Willi Baumeister le met en contact avec l’éditeur Gutbrot, qui se prépare à rejoindre la grande maison d’édition allemande DuMont-Schauberg basée à Cologne, et qui pourrait publier le Mondrian. Rendez-vous est pris à Paris et ils décident d’un commun accord de publier l’ouvrage ‘pour le plaisir’. L’édition allemande sort à l’été 1956, et la traduction anglaise chez Abrams à New York pour Noël. La critique du Sunday Times, très attendue, paraît début janvier 1957 ; elle est extrêmement positive. Le livre devient immédiatement une référence incontournable. La version originale française est publiée par Flammarion à l’été 1957 et une version italienne est publiée chez Montadori à Milan l’année suivante. Cette même année 1957, Seuphor donne une nouvelle conférence intitulée Mondrian Inactuel au Musée des Beaux-arts d’Anvers (qu’il reprendra à Milan et à Copenhague en 1959).
Le Dictionnaire de la peinture abstraite publié chez Hazan parait en 1957 à l’occasion d’une grande exposition intitulée 50 ans de peinture abstraite et organisée à la galerie Creuze à Paris. À quelques exceptions près, tous les artistes répertoriés dans le Dictionnaire de la peinture abstraite y sont exposés. Cet ouvrage paraît simultanément en traductions à Londres, Munich, Buenos Aires et devient un livre de référence.
En 1958, le Mondrian est réimprimé pour la collection poche a.b.c. chez Hazan et une édition de poche néerlandaise, Mondriaan, composities paraît aussi aux éditions Boucher à la Haye. Hormis Mondrian, Seuphor écrit aussi beaucoup de préfaces à des catalogues d’expositions et de très nombreux articles sur l’art abstrait et ses artistes, notamment dans Art d’Aujourd’hui et Art Digest.
Les années 50 voient aussi de nouveaux développements pour Seuphor en tant qu’artiste. En 1954, le professeur Hammacher, directeur du musée Kröller-Müller en Hollande, propose à Seuphor de faire réaliser des tapisseries d’après ses dessins à lacunes. Peu de temps après, il organise la commande de deux pièces, Feu et Devenir, destinées à la nouvelle maison de la province de Gueldre à Arnhem en hollande. Elles sont réalisées par deux tisserands Hollandais qui y travaillent près de quatre ans. Le directeur général des arts et lettres de Belgique de l’époque, Emile Langui, remarque ce projet et met Seuphor en relation avec la tisserande Elisabeth de Saedeleer pour réaliser une série de tapisseries murales pour le gouvernement Belge. Vingt-cinq tapisseries sont ainsi réalisées à partir de dessins à lacunes entre 1959 et 1963.
Par ailleurs, en 1957, les dessins à lacunes de Michel Seuphor sont exposés avec des œuvres de Jean Arp et Sophie Taeuber à Vienne et à Cologne.
« Ce ne fut pas une petite joie pour moi de voir, sur tous les murs de Vienne, l’affiche jaune et blanc avec les trois noms. Est-il plaisir plus innocent que de voir l’amitié courir la rue et se mesurer sur les murs des villes avec de la publicité moins pure ? » (Le jeu de je, 1976)
L’amitié que Seuphor partage avec Jean Arp prend une place tout à fait centrale pour Seuphor dans la période de l’après-guerre. Seuphor publie beaucoup sur son art, notamment pour une grande exposition à la Biennale de Venise en 1954, suivie d’un article dans Art Digest, et d’une première monographie publiée en 1957, à l’occasion de l’exposition Cinquante ans de peinture abstraite. De même, Arp soutient la promotion des dessins de Seuphor, et il influence aussi son art. Cela s’exprime, par exemple, dans la réalisation de dessins à lacunes avec collages à partir de dessins à lacunes déchirés. Cette idée nait d’un geste de Arp qui, un jour, récupère des morceaux de dessins à lacunes déchirés par Seuphor dans la corbeille de son atelier et, en s’amusant, en propose une composition dont Seuphor fait une nouvelle œuvre.
Seuphor a célébré la profonde amitié artistique qu’il a partagée avec Arp et Mondrian dans ses dessins, en particulier avec les deux remarquables ensembles de 6 parties intitulés Prajna paramita aux donateurs.
En 1959, les dessins à lacunes de Seuphor sont exposés pour la première fois à la Galerie Denise René avec les deux grandes tapisseries murales Feu et Devenir. Une seconde exposition est organisée à la Galerie Il Grattacielo, à Milan. C’est dans cette période faste que Seuphor se met à composer ses premiers grands assemblages.
En 1958, Seuphor écrit La Sculpture de ce siècle, qui paraît en 1959 aux éditions du Griffon à Neuchâtel et connaît un grand succès. La traduction allemande est publiée par DuMont Schauberg et la traduction américaine par Braziller à New York. Un peu plus tard, Seuphor entreprend une tournée de conférences qu’il intitule La notion d’architecture dans la peinture contemporaine (Bruxelles, Bruges, Gand, Zagreb).
Dans cette période, il participe aussi activement à la mise sur pied de l’exposition Construction and Geometry in Painting qui a lieu en 1959 à la galerie Chalette de New York et qui circule à travers les Etats-Unis en 1960. Il produit notamment une importante préface intitulée The idea of Construction pour le catalogue de cette exposition, et édite Mission spirituelle de l’art en version bilingue franco-anglaise.
Sa renommée artistique s’étend aux Etats-Unis où il expose pour la première fois, en 1961, à la Galerie Esther Robles de Los Angeles. Il organise aussi une exposition Arp-Mondrian à la galerie Sydney Janis.
En 1962, il expose à la Galerie Lorenzelli à Bergame.
En 1961 et 1962, il écrit deux nouveaux et importants ouvrages d’histoire de l’art : La Peinture abstraite, sa genèse, son expansion reçoit une résonnance internationale considérable et paraît en français chez Flammarion et presque simultanément en version allemande sous le titre Abstrakte Malerei : Von Kandinsky bis z. Gegenwart, en version Américaine sous le titre Abstract Painting fifty years of accomplishment from Kandinsky to Jackson Pollock ; en version espagnole sous le titre Pintura Abstracta et en version Italienne sous le titre Pittori Astrati.
La peinture abstraite en Flandre est une commande de Maurits Naessens, directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas à Bruxelles, qui est introduit auprès de Seuphor en 1960 par son ami le peintre Luc Peire.
Plutôt réticent au départ, Seuphor finit par accepter après avoir obtenu l’assistance de trois collaborateurs : Maurits Bilcke, Léon-Louis Sosset et Jan Wallravens. Pendant deux ans, il effectue de multiples voyages en Flandres où il visite tous les ateliers d’artistes. Maurits Naessens et ses collaborateurs insistent aussi pour que ses propres œuvres soient incluses dans cet ouvrage. En 1963, l’ouvrage paraît en quatre langues : le français pour l’édition originale, l’anglais, le néerlandais et l’allemand. Seuphor présente l’ouvrage lors d’une célébration officielle à l’Opéra royal d’Anvers, au cours de laquelle il tient un discours dans ces mêmes quatre langues.
En 1963, il publie également une monographie sur son ami le peintre israélien Marcel Janco.
À Paris cette même année, Michel Seuphor est fait chevalier des Arts et des Lettres, alors que la galerie Denise René publie l’album Intimes étendues en sérigraphies d’après ses dessins et collages, prémice d’une seconde exposition importante des dessins à lacunes. Au cours de cette dernière, un disque intitulé « Quand la mesure est pleine-cantate à 3 voix » parait, qui a été réalisé par le Centre national d’art français en 1971 à partir d’un poème de Seuphor récité sur une composition musicale très contemporaine du pianiste franco-hongrois Paul Arma, inspiré par une exposition de tableaux-poèmes de Seuphor.
En 1963 et 1964, Seuphor se rend en Grèce, à Athènes (la deuxième fois avec Suzanne). Ces voyages de ‘retours aux sources’ philosophiques et littéraires sont très inspirants pour l’artiste, comme l’attestent plusieurs de ses œuvres majeures, notamment le poème « Prière sur l’Acropole », et de nombreux dessins à lacunes avec des inscriptions en grec.
En février 1964, Serge Gauthier, directeur de la Manufacture nationale de porcelaine de Sèvres, contacte Seuphor pour lui proposer de transcrire ses dessins sur des céramiques. Pendant près d’un mois, Seuphor travaille avec le maître artisan de la Manufacture André Plantard, qui décore plusieurs vases, dont deux grands vases de Maurice Gensoli dits « de deux mètres de haut », qu’il nomme, en grec, Ορφεύς (Orphée) et σωφροσύνη (sagesse, modération) à partir de dessins à lacunes sur le thème orphique. Les deux vases sont acquis, par l’intermédiaire d’une commission venue d’Iran, pour la cour impériale de Téhéran. Une nouvelle version, légèrement retouchée, des deux vases sera réalisée et acquise par le ministère Belge des PTT en 1972. En 1968, Seuphor publie un article dans la revue Leonardo dans lequel il raconte l’application technique des dessins à lacunes en céramiques et tapisseries.
En 1965 Seuphor obtient la nationalité française.
En 1964, les éditions du Seuil publient Le style et le cri, quatorze essais sur l’art de ce siècle, dans lequel Seuphor revient sur l’expérience de Cercle et Carré, et qui contient aussi une réédition de La Mission spirituelle de l’art ainsi qu’un essai intitulé Trente et une réflexions sur un thème, le cri et du style, qu’il avait abordé dans un article du même titre publié dix ans plus tôt, en 1955, dans la revue Aujourd’hui (en revanche, ce livre n’a pas de lien direct avec le texte Le style et le cri que Seuphor avait rédigé en 1932).
Dans la foulée, alors qu’il a obtenu une carte officialisant son statut de critique d’art, il écrit un autre essai important, Le commerce de l’art. Cet ouvrage limpide et perspicace, qui met en lumière les motivations des divers protagonistes du monde de l’art, est publié aux éditions Desclée-De-Brouwer en 1966 et, comme il pouvait s’y attendre, est boudé par la critique.
Sur le plan artistique, dans les années 60, Seuphor renoue également avec sa production poétique. Lors de son exposition chez Denise Renée en 1959, il avait rencontré le poète et directeur de la revue Cinquième Saison Henri Chopin, introduit par Edmond Humeau. À la suite de cette rencontre, en 1960-62, Seuphor collabore avec Chopin et la compositrice et productrice de radio Maguy Lovano à la promotion et à l’historicisation de la poésie expérimentale des années vingt, dont la revue Cinquième Saison se fait la vitrine. Dans ce cadre, Seuphor publie plusieurs de ses poèmes (Nuit sans retouche et Solaire dans le numéro 11, Berceuse et fugue dans le numéro 12, tous deux de 1961). De plus, sa pièce de théâtre L’éphémère est éternel est reproduite dans le numéro 18 publié en 1963. L’épouse d’Henri Chopin, Jean Ratcliffe, d’origine écossaise, réalise une traduction anglaise de la pièce dans le but de la faire monter par les élèves de l’académie de Bath en Angleterre, mais ce projet n’aboutit pas.
En 1964, Seuphor enregistre Sept poèmes de 1927 à 1963 en Hommage à Cercle et Carré à la maison Hug de Zurich et les publie avec Six biseautages de Gottfried Honegger aux éditions Adölf Hürlimann. Mais c’est en 1966 qu’intervient un développement majeur, quand des élèves du sculpteur suisse Hansjörg Gisiger, ami de Seuphor qui leur a lu quelques-uns de ses poèmes alors inédits, s’enthousiasment pour la poésie de Seuphor et décident de créer une maison d’édition qui prend le nom de Hanc, pour publier son recueil La Vocation des Mots. Seuphor a souligné l’importance de cette publication.
« Ce livre a beaucoup compté dans mon existence, car il est un résumé et contient des exemples de toutes mes expériences en poésie » (Une vie à angle droit, p 117)
Deux ans plus tard, en 1968, Les Hanc publient aussi Le Monde est plein d’oiseaux, le roman que Seuphor avait ramené du sud à Paris en 1948, et Paraboliques, un recueil dont quelques textes avaient été d’abord publiés par la galerie Lorezzeli à Bergame. Les Hanc organisent également une exposition de Seuphor au Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds dans le comté de Neuchâtel, accompagnée d’une création du compositeur Francis Miroglio, illustrant le dessin en six parties Concerto. Peu après, cependant, le groupe se disperse et la maison d’édition disparaît.
En 1966, une exposition plus importante est organisée au Musée des Beaux-Arts de Nantes. Il s’agit de la première rétrospective consacrée à Seuphor, où les grands ensembles sont aussi exposés pour la première fois. Le musée acquiert à cette occasion le dessin en sept parties d’Abîmes en abîmes.
La même année, Seuphor donne une conférence à Zurich Les sources littéraires chez Arp et Mondrian et deux conférences à Besançon La fonction sociale de l’artiste et La tendance à la répétition des signes géométriques simples dans l’art contemporain (grâce à l’amitié qu’il a nouée avec les professeurs de l’Ecole des Beaux-Arts Besançon, et notamment le peintre Jean Ricardon).
En 1967, Seuphor est invité à exposer ses dessins à lacunes au Musée Sztuki de Lódz, en Pologne communiste. Au début des années 30, il avait contribué à la création des toutes premières salles dédiées, dans ce musée, à l’art abstrait en Europe. Il avait notamment donné des œuvres de sa collection personnelle (de Vordemberge-Gildewart, Werkman, Huzar, Paul Joostens et Charchoune). Il se rend au vernissage et donne à Lódz et Varsovie sa conférence sur La tendance à la répétition des signes géométriques simples dans l’art contemporain. Le catalogue, Poezja plastyka, reproduit 8 œuvres de Seuphor et des textes en français et en polonais de Ryszard Stanisławski et Jan Brzekowski.
La notoriété parisienne de Seuphor grandit. Il met en chantier sa première grande tapisserie à la manufacture des Gobelins à partir d’un assemblage en 12 parties intitulé Polymnie, une œuvre en noir et blanc mesurant 266 cm de haut sur 614 cm de long.
L’année suivante, en 1968, une autre tapisserie Quel destin ? Quel ruissellement d’Etoiles ? Quel spectacle ? de trois mètres sur cinq est réalisée dans les ateliers d’Yvette Cauquil-Prince, à Paris, pour la nouvelle faculté de Droit de l’Université de Bordeaux. En octobre 1968, Seuphor explique la traduction des dessins à lacunes en tapisseries et céramiques dans un article publié dans le journal Leonardo –.
Le Musée National d’Art Moderne de la ville de Paris lui achète l’assemblage en huit parties avec collages intitulé « La Mort d’Orphée ».
Toujours réactif aux évènements sociaux majeurs, Seuphor s’affirme poétiquement comme un homme de paix et de lien. Ainsi, s’il sympathise avec le mouvement de mai 68 qui se déroule sous ses fenêtres, il est vite heurté par la violence des manifestations.
« Les événements de mai 1968 ne soulevèrent pas mon enthousiasme. Je méprise la violence, les brailleurs de tréteaux, les fortes paroles remplies de vide. Je ne crois pas que la Révolution française a été faite par les coupeurs de têtes, ni par les démolisseurs de la Bastille, mais par les rédacteurs attentifs de la Déclaration des Droits de l’homme et par les grands penseurs du siècle qui précédèrent l’orage. » (Le jeu de je)
Il consigne ses réactions aux évènements sous forme poétique et ironique dans un petit recueil, Brefs, qu’il envoie à son ami Paolo Fanci à Milan et que celui-ci publie chez Scheiwiller en 1969. C’est à Milan également, que L’Ephémère est éternel, est mis en scène pour la première fois, en 1968, en italien, par le groupe expérimental Il Parametro avec les trois décors réalisés d’après les maquettes de Mondrian en 1926. À cause de la grève générale, Seuphor ne peut pas se rendre aux répétitions, mais il assiste à la neuvième et dernière représentation. À l’occasion de ce séjour à Milan, il donne une nouvelle fois sa conférence sur La fonction sociale de l’artiste.
Les collaborations italiennes se multiplient. En 1969, les galeries d’art italiennes Martano, à Turin, et Lorenzelli, à Bergame, rééditent en fac-similé les trois numéros de la revue Cercle et Carré (1930). Ces deux galeries publient également, en 1970, Le chantier, un poème burlesque illustré avec six bois originaux. Fin 1969, une exposition est organisée à la galerie Rizzoli de Rome sur le thème « le système et la Règle ». Enfin, de grandes mosaïques sont réalisées à partir de ses dessins à lacunes pour le Musée d’art moderne de la Fondazione Pagani à Legnano.
En France, du 18 janvier au 31 mars 1969, Seuphor initie et organise, avec André Berne Joffroy (chargé de mission pour la réunion des musées nationaux) et les services techniques du Musée du Louvre, la première grande exposition Mondrian française au Musée de l’Orangerie, pour laquelle il prête des œuvres et dont il préface le catalogue.
En 1970, sa monographie sur Mondrian est rééditée en français et une quatrième réimpression paraît en langue anglaise. La même année, Seuphor écrit « L’archet », une sorte de récital poétique et provocateur que Maguy Lovano met en scène dans le parc de Vincennes pour le salon des réalités nouvelles. Il continue à beaucoup voyager et retourne notamment à New york avec Suzanne.
En mars et juillet 1970, Seuphor écrit successivement Le don de la parole, réflexion sur le langage puis Les dimensions de la liberté, deux ouvrages de réflexions philosophiques, qui seront publiés en 1970 et 1973 par les éditions Mallier.
En 1971, une nouvelle rencontre avec Aimé Maeght débouche sur la réédition de L’art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres, et la commande de trois nouveaux volumes qui veulent offrir un premier panorama de l’art abstrait dans le monde. Seuphor compose entièrement le numéro 2. Il partage la réalisation du numéro 3 avec Michel Ragon qui poursuit avec le volume 4. Les quatre volumes paraissent sous le titre L’Art Abstrait entre 1971 et 1974.
En 1971, Seuphor réédite les textes de Cercle et Carré chez Belfond et écrit une longue préface, dans laquelle il rend compte de manière détaillée de l’histoire et de l’importance de ce mouvement dans l’histoire de l’art abstrait. Il donne aussi une série de quatre conférences à la Sorbonne entre 1971 et 1972 : Les sources littéraires chez Arp et Mondrian ; La tendance à la répétition des signes géométriques simples dans l’art contemporain ; Valeur de la figuration et de la non-figuration et La fonction sociale de l’artiste.
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Les jardins privés du géomètre, 20 juin 1973
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Michel Seuphor, écrits, œuvres, documents et témoignages, éditions Carmen Martinez, 1976
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Cercle au Carré, Het Overzicht, Documents internationaux de l'Esprit nouveau, editions Jean-Michel Place, 1976
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Photos de deux salles de l’exposition Michel Seuphor au Centre George Pompidou, 1977
1971 – 1981
la décennie des consécrations
À partir de 1970, Seuphor atteint une notoriété qui lui permet, enfin, de vivre de la vente de ses tableaux et même de publier ses écrits avec les éditeurs et l’imprimeur de son choix. Ses activités liées à la promotion de l’art se réduisent considérablement : il se donne entièrement à sa création et « ne vit plus que pour écrire et dessiner » (Une vie à angle droit, p 89, 151)
En mars 1971, une nouvelle rétrospective de l’œuvre de Seuphor est organisée au Musée d’art et d’industrie de Saint Etienne. Seuphor fait alors don au musée d’un collage de 1970 intitulé Le poète roi.
Plusieurs albums bibliophiles sont produits : En 1971, les éditions La Tortue à Paris publient Soleil, un poème illustré de cinq eaux-fortes originales de l’auteur. La White Gallery de Lausanne publie un album de cinq sérigraphies et le Musée d’Art Moderne de Gand un album de sérigraphies intitulé Portfolio. En 1972, Les éditions Sic à Paris publient Journal intime, un poème orné d’eaux fortes en couleurs, sur une mise en page d’Anna Staritzky.
Durant ces années, Seuphor écrit beaucoup de poèmes, dont certains sont réunis sous le titre Gosps et Cosnops et publiés dans la revue Création en 1972. Cette année-là, la galerie Martano de Turin réédite, en français, italien et anglais, L’éphémère est éternel, abondamment illustré de documents de l’époque.
Seuphor collabore à nouveau avec Maguy Lovano pour mettre en scène, en musique et publier trois de ses poèmes en prose aux éditions Baconnier à Paris.
Michel et Suzanne passent trois semaines avec leur fils qui travaille, comme géomètre topographe pour une exploitation forestière belge à N’Vouka dans la République Démocratique du Congo (Le Zaire durant cette période). Cependant, même là-bas, Seuphor reste « sur son île », celle de la création poétique et de la réflexion sur les thèmes qu’il affectionne.
« Dès le second jour, la surprise passée, je me retrouvais sur mon île avec tous les accessoires habituels de ma personne. J’y écrivis un article de souvenirs pour la revue XXème siècle et un essai sur le jeu. J’y ai rempli tout un bloc-notes de petits dessins dont aucun ne rappelle le lieu où je me trouvais. Et j’ai pu même m’y ennuyer. Tout cela en moins de trois semaines. » (Le jeu de je)
Il rédige d’ailleurs un important essai, Le jeu, la règle, sans lien apparent avec son environnement (il le remanie et publie quelques années plus tard, en 1975).
De retour à Paris, il rédige encore une préface, intitulée Le sceptre, pour le catalogue de l’importante exposition Konstruktivismus organisée par la galerie Gmurzynska à Cologne à l’automne 1972.
À la même époque, les éditions d’art Mercatorfonds (Belgique) publient une première monographie sur Seuphor incluant les contributions d’Arp et de Sartoris. Dans le même temps, le centre Marcel Peeters à Anvers lui consacre une nouvelle rétrospective.
En 1973, les éditions Mallier, qui avaient publié Le don de la parole, publient un nouvel essai de Seuphor, Les dimensions de la liberté.
Seuphor continue à faire évoluer sa technique des dessins à lacunes, se consacrant plus particulièrement aux grands ensembles avec collages comportant des lignes horizontales si proches les unes des autres qu’elles donnent l’impression de fond noir.
Cette même année 73, une nouvelle tapisserie intitulée Comme une musique est réalisée (commande de l’état français grâce au 1% culturel pour la nouvelle faculté de pharmacologie à Châtenay-Malabry près de Paris).
En 1974, l’éphémère est éternel est remonté et représenté à Macerata (Italie) dans le cadre de son festival de théâtre. Seuphor s’y rend plusieurs fois pour assister aux répétitions.
À Nantes, la galerie Convergence, dirigée par Jean Branchet, consacre une exposition à Seuphor alors qu’en Belgique, Christian Bussy réalise un film de 35 mn pour la télévision, Michel Seuphor entre les lignes. Aux Pays-Bas, c’est le musée Kröller-Müller qui acquiert Les dieux, un assemblage en 16 parties. Cette même année 1974, une rétrospective des œuvres de Seuphor est aussi organisée au Palais de l’Athénée à Genève. Il s’y rend et prononce sa conférence Les sources littéraires chez Arp et Mondrian, qui est éditée à cette occasion par la Classe des Beaux-Arts.
En parallèle, Seuphor prépare l’exposition « De Stijl; Cercle et Carré » qui à lieu à la galerie Gmurzynska de Cologne. La galerie édite également, avec son assistance, des sérigraphies inspirées de quatre de ses gouaches néoplastiques réalisées en 1929.
En 1974 toujours, les éditions Hans Bolliger et Adolf Hürlimann à Zurich publient le recueil de poèmes Le jardin privé du géomètre, illustré par son ami Gottfried Honegger. Scheiwiller, à Milan, publie Trois morales ; et le dessin-triptyque Célébration du Cercle est édité sous forme de sérigraphies par la galerie Nouvelles Images (NI) de La Haye, avec un texte de Jean Arp.
En 1975, la galerie Beniamino de San Remo publie, en italien, à l’occasion d’une exposition des tableaux de Seuphor, son essai Le jeu et la règle, ainsi que le texte de sa conférence La fonction sociale de l’artiste, que Seuphor prononce aussi à cette occasion. Le texte en français Le jeu et la règle est publié dans l’album Mythologies Imaginaires, qui paraît aux éditions Michèle Broutta à Paris.
Seuphor dessine beaucoup et s’intéresse particulièrement aux thèmes des grandes sagesses orientales, tout autant qu’à ceux des antiquités grecques et romaines. Il étudie, en autodidacte, le sanscrit, l’hébreux, les hiéroglyphes égyptiens et les caractères chinois, pour entrer en dialogue artistique avec avec les grands philosophes et poètes anciens. Il intègre leurs écritures dans ses tableaux.
En février 1975, il donne sa conférence Valeur de la figuration et de la non-figuration à la Maison de la Culture de Reims à l’occasion de l’exposition 60 ans d’art Abstrait, pour laquelle il participe aussi au catalogue avec un texte intitulé L’art Libre est la conscience du temps. Ce texte est ensuite publié par les éditions de la maison de la Culture de Reims. Seuphor expose et donne cette conférence la même année à la galerie Attali de Paris, qui édite un bel album intitulé Œuvres de 1974. Les éditions Jean Audouin publient un album bibliophile de son texte L’autre côté des choses avec 18 illustrations de l’auteur.
Même s’il y consacre beaucoup moins de temps, Seuphor continue à promouvoir les artistes abstraits tout au long des années 70. C’est ainsi qu’il participe, avec Michel Pamart, à la réalisation d’un film consacré à Piet Mondrian, qui est diffusé par la télévision française le 13 avril 1975. Il publie aussi des monographies sur Thépot (Prisme, 1972) et sur Fleishmann (Hatje 1976) ; ainsi que des articles sur Fritz Glarner, Josef Albers, Marinetti, les Delaunay et des préfaces d’expositions sur Otto van Rees (Gemeentemuseum de la Haie, 1975), Torrès-Garcia (Musée municipal de la ville de Paris, 1975), Luc Peire, Jean Ricardon, Gottfried Honegger, Vincent Batbedat, Marcelle Cahn, etc.
En 1976, à l’occasion d’une nouvelle exposition d’œuvres de Jean Arp, Sophie Taeuber et Michel Seuphor à la Galerie Nouvelles Images, celle-ci édite un recueil de poèmes de ce dernier, titré Onze essais de voix pour un chant du soir, avec onze eaux fortes de sa création. L’année suivante, L’autre côté des choses, Mythologies imaginaires et Onze essais de voix pour un chant du soir reçoivent le prix international Diano Marina, en Italie, pour le meilleur livre illustré.
En mai 1976, Carmen Martinez fait réaliser un drapeau-poème conçu par Seuphor, sorte de profession de foi qui proclame : « Drapeau mon cœur, ne rampe pas, sois vertical et parle bas, la rose des vents, jetée du ciel, parfumera ta vie ». Elle édite également une monographie intitulée Michel Seuphor, écrits, œuvres, documents et témoignages, dans laquelle se trouve, entre autre, une édition originale du texte de la conférence sur La fonction sociale de l’artiste.
La même année, l’éditeur bibliophile Jean-Michel Place réédite une série de facsimilés, comprenant la série complète du périodique Het Overzicht, les trois numéros de Cercle et Carré et le numéro unique des Documents internationaux de l’Esprit nouveau.
Toutes ces publications accompagnent deux grandes rétrospectives de Seuphor, la première au Palais Granvelle de Besançon, et la deuxième au Gemeentemuseum de La Haye. La première est accompagnée d’un catalogue intitulé Poésie plastique, que Seuphor juge magnifique (Une vie à angle droit, p 159).
La deuxième rétrospective, initiée par le banquier flamand Maurits Naessens, présente notamment une « salle de l’amitié » où Seuphor expose l’essentiel de sa collection personnelle, dont le Tableau-poème réalisé avec Mondrian en 1929.
Cette rétrospective est accompagnée par l’édition d’une nouvelle monographie, très volumineuse, composée à la Haye par Herbert Henkels et éditée par Mercatorfonds en Belgique. Cet ouvrage très exhaustif présente toutes les œuvres de Seuphor jusqu’en 1975. C’est dans cet ouvrage que Seuphor fait paraître son récit autobiographique Le jeu de je.
Pontus Hulten, le directeur qui a accompagné la fondation du Centre Georges Pompidou à Paris, remarque cette exposition du Gemeentemuseum de La Haye, et forme une requête auprès de l’état français pour qu’elle soit présentée à Paris pour l’ouverture du Centre en 1977.
L’exposition au Centre George Pompidou est organisée par Germain Viatte. Elle est accompagnée des premières représentations en français de l’éphémère est éternel, dans le théâtre du centre. Seuphor guide la mise en scène de Claude Confortès et il est enchanté du résultat.
« À ce moment-là se trouve le point d’orgue de mon existence (…) ce furent quatre soirées inoubliables pour moi. Si on avait pu louer la salle cent fois, cent fois elle aurait été pleine. C’était fantastique, avec les trois décors de Mondrian et ces quinze acteurs entre dix-huit et vingt-cinq ans. D’abord, ils ne comprenaient rien à la pièce. Et puis, en parlant, au cours des répétitions, ils ont mordu et, quand ils l’ont jouée, c’était parfait, comme s’ils avaient rodé le spectacle depuis des années dans un enthousiasme, une gaieté folle. » (Une vie à angle droit, p 157)
Sa joie s’exprime par la réalisation d’un tableau à lacunes en français portant le titre de la pièce, L’éphémère est éternel, qui sera suivi, en 1979, d’une série de 8 autres dessins dont chacun reprend le titre inscrit dans huit langues différentes (Grec ancien, latin, néerlandais, italien, allemand, anglais, hébreux et espagnol).
Cette même année, Seuphor reçoit la distinction de l’Ordre des Arts et Lettres. À la suite de l’exposition, Seuphor propose de faire une donation d’œuvres abstraites de sa collection au Centre George Pompidou, que l’état accepte et qui est réalisée en 1978. Elle contient des œuvres que ses amis Delaunay, Larionov, Peeters, Huszar, Stanton Macdonald-Wright, Morgan Russel, Bruce, Janco, etc, lui ont offertes. Il considère qu’elles doivent appartenir à la société et être préservées pour la postérité au musée plutôt que dans des collections privées. Il y joint également quelques œuvres personnelles.
1971 – 1981
la décennie des consécrations
À partir de 1970, Seuphor atteint une notoriété qui lui permet, enfin, de vivre de la vente de ses tableaux et même de publier ses écrits avec les éditeurs et l’imprimeur de son choix. Ses activités liées à la promotion de l’art se réduisent considérablement : il se donne entièrement à sa création et « ne vit plus que pour écrire et dessiner » (Une vie à angle droit, p 89, 151)
En mars 1971, une nouvelle rétrospective de l’œuvre de Seuphor est organisée au Musée d’art et d’industrie de Saint Etienne. Seuphor fait alors don au musée d’un collage de 1970 intitulé Le poète roi.
Plusieurs albums bibliophiles sont produits : En 1971, les éditions La Tortue à Paris publient Soleil, un poème illustré de cinq eaux-fortes originales de l’auteur. La White Gallery de Lausanne publie un album de cinq sérigraphies et le Musée d’Art Moderne de Gand un album de sérigraphies intitulé Portfolio. En 1972, Les éditions Sic à Paris publient Journal intime, un poème orné d’eaux fortes en couleurs, sur une mise en page d’Anna Staritzky.
Durant ces années, Seuphor écrit beaucoup de poèmes, dont certains sont réunis sous le titre Gosps et Cosnops et publiés dans la revue Création en 1972. Cette année-là, la galerie Martano de Turin réédite, en français, italien et anglais, L’éphémère est éternel, abondamment illustré de documents de l’époque.
Seuphor collabore à nouveau avec Maguy Lovano pour mettre en scène, en musique et publier trois de ses poèmes en prose aux éditions Baconnier à Paris.
Michel et Suzanne passent trois semaines avec leur fils qui travaille, comme géomètre topographe pour une exploitation forestière belge à N’Vouka dans la République Démocratique du Congo (Le Zaire durant cette période). Cependant, même là-bas, Seuphor reste « sur son île », celle de la création poétique et de la réflexion sur les thèmes qu’il affectionne.
« Dès le second jour, la surprise passée, je me retrouvais sur mon île avec tous les accessoires habituels de ma personne. J’y écrivis un article de souvenirs pour la revue XXème siècle et un essai sur le jeu. J’y ai rempli tout un bloc-notes de petits dessins dont aucun ne rappelle le lieu où je me trouvais. Et j’ai pu même m’y ennuyer. Tout cela en moins de trois semaines. » (Le jeu de je)
Il rédige d’ailleurs un important essai, Le jeu, la règle, sans lien apparent avec son environnement (il le remanie et publie quelques années plus tard, en 1975).
De retour à Paris, il rédige encore une préface, intitulée Le sceptre, pour le catalogue de l’importante exposition Konstruktivismus organisée par la galerie Gmurzynska à Cologne à l’automne 1972.
À la même époque, les éditions d’art Mercatorfonds (Belgique) publient une première monographie sur Seuphor incluant les contributions d’Arp et de Sartoris. Dans le même temps, le centre Marcel Peeters à Anvers lui consacre une nouvelle rétrospective.
En 1973, les éditions Mallier, qui avaient publié Le don de la parole, publient un nouvel essai de Seuphor, Les dimensions de la liberté.
Seuphor continue à faire évoluer sa technique des dessins à lacunes, se consacrant plus particulièrement aux grands ensembles avec collages comportant des lignes horizontales si proches les unes des autres qu’elles donnent l’impression de fond noir.
Cette même année 73, une nouvelle tapisserie intitulée Comme une musique est réalisée (commande de l’état français grâce au 1% culturel pour la nouvelle faculté de pharmacologie à Châtenay-Malabry près de Paris).
En 1974, l’éphémère est éternel est remonté et représenté à Macerata (Italie) dans le cadre de son festival de théâtre. Seuphor s’y rend plusieurs fois pour assister aux répétitions.
À Nantes, la galerie Convergence, dirigée par Jean Branchet, consacre une exposition à Seuphor alors qu’en Belgique, Christian Bussy réalise un film de 35 mn pour la télévision, Michel Seuphor entre les lignes. Aux Pays-Bas, c’est le musée Kröller-Müller qui acquiert Les dieux, un assemblage en 16 parties. Cette même année 1974, une rétrospective des œuvres de Seuphor est aussi organisée au Palais de l’Athénée à Genève. Il s’y rend et prononce sa conférence Les sources littéraires chez Arp et Mondrian, qui est éditée à cette occasion par la Classe des Beaux-Arts.
En parallèle, Seuphor prépare l’exposition « De Stijl; Cercle et Carré » qui à lieu à la galerie Gmurzynska de Cologne. La galerie édite également, avec son assistance, des sérigraphies inspirées de quatre de ses gouaches néoplastiques réalisées en 1929.
En 1974 toujours, les éditions Hans Bolliger et Adolf Hürlimann à Zurich publient le recueil de poèmes Le jardin privé du géomètre, illustré par son ami Gottfried Honegger. Scheiwiller, à Milan, publie Trois morales ; et le dessin-triptyque Célébration du Cercle est édité sous forme de sérigraphies par la galerie Nouvelles Images (NI) de La Haye, avec un texte de Jean Arp.
En 1975, la galerie Beniamino de San Remo publie, en italien, à l’occasion d’une exposition des tableaux de Seuphor, son essai Le jeu et la règle, ainsi que le texte de sa conférence La fonction sociale de l’artiste, que Seuphor prononce aussi à cette occasion. Le texte en français Le jeu et la règle est publié dans l’album Mythologies Imaginaires, qui paraît aux éditions Michèle Broutta à Paris.
Seuphor dessine beaucoup et s’intéresse particulièrement aux thèmes des grandes sagesses orientales, tout autant qu’à ceux des antiquités grecques et romaines. Il étudie, en autodidacte, le sanscrit, l’hébreux, les hiéroglyphes égyptiens et les caractères chinois, pour entrer en dialogue artistique avec avec les grands philosophes et poètes anciens. Il intègre leurs écritures dans ses tableaux.
En février 1975, il donne sa conférence Valeur de la figuration et de la non-figuration à la Maison de la Culture de Reims à l’occasion de l’exposition 60 ans d’art Abstrait, pour laquelle il participe aussi au catalogue avec un texte intitulé L’art Libre est la conscience du temps. Ce texte est ensuite publié par les éditions de la maison de la Culture de Reims. Seuphor expose et donne cette conférence la même année à la galerie Attali de Paris, qui édite un bel album intitulé Œuvres de 1974. Les éditions Jean Audouin publient un album bibliophile de son texte L’autre côté des choses avec 18 illustrations de l’auteur.
Même s’il y consacre beaucoup moins de temps, Seuphor continue à promouvoir les artistes abstraits tout au long des années 70. C’est ainsi qu’il participe, avec Michel Pamart, à la réalisation d’un film consacré à Piet Mondrian, qui est diffusé par la télévision française le 13 avril 1975. Il publie aussi des monographies sur Thépot (Prisme, 1972) et sur Fleishmann (Hatje 1976) ; ainsi que des articles sur Fritz Glarner, Josef Albers, Marinetti, les Delaunay et des préfaces d’expositions sur Otto van Rees (Gemeentemuseum de la Haie, 1975), Torrès-Garcia (Musée municipal de la ville de Paris, 1975), Luc Peire, Jean Ricardon, Gottfried Honegger, Vincent Batbedat, Marcelle Cahn, etc.
En 1976, à l’occasion d’une nouvelle exposition d’œuvres de Jean Arp, Sophie Taeuber et Michel Seuphor à la Galerie Nouvelles Images, celle-ci édite un recueil de poèmes de ce dernier, titré Onze essais de voix pour un chant du soir, avec onze eaux fortes de sa création. L’année suivante, L’autre côté des choses, Mythologies imaginaires et Onze essais de voix pour un chant du soir reçoivent le prix international Diano Marina, en Italie, pour le meilleur livre illustré.
En mai 1976, Carmen Martinez fait réaliser un drapeau-poème conçu par Seuphor, sorte de profession de foi qui proclame : « Drapeau mon cœur, ne rampe pas, sois vertical et parle bas, la rose des vents, jetée du ciel, parfumera ta vie ». Elle édite également une monographie intitulée Michel Seuphor, écrits, œuvres, documents et témoignages, dans laquelle se trouve, entre autre, une édition originale du texte de la conférence sur La fonction sociale de l’artiste.
La même année, l’éditeur bibliophile Jean-Michel Place réédite une série de facsimilés, comprenant la série complète du périodique Het Overzicht, les trois numéros de Cercle et Carré et le numéro unique des Documents internationaux de l’Esprit nouveau.
Toutes ces publications accompagnent deux grandes rétrospectives de Seuphor, la première au Palais Granvelle de Besançon, et la deuxième au Gemeentemuseum de La Haye. La première est accompagnée d’un catalogue intitulé Poésie plastique, que Seuphor juge magnifique (Une vie à angle droit, p 159).
La deuxième rétrospective, initiée par le banquier flamand Maurits Naessens, présente notamment une « salle de l’amitié » où Seuphor expose l’essentiel de sa collection personnelle, dont le Tableau-poème réalisé avec Mondrian en 1929.
Cette rétrospective est accompagnée par l’édition d’une nouvelle monographie, très volumineuse, composée à la Haye par Herbert Henkels et éditée par Mercatorfonds en Belgique. Cet ouvrage très exhaustif présente toutes les œuvres de Seuphor jusqu’en 1975. C’est dans cet ouvrage que Seuphor fait paraître son récit autobiographique Le jeu de je.
Pontus Hulten, le directeur qui a accompagné la fondation du Centre Georges Pompidou à Paris, remarque cette exposition du Gemeentemuseum de La Haye, et forme une requête auprès de l’état français pour qu’elle soit présentée à Paris pour l’ouverture du Centre en 1977.
L’exposition au Centre George Pompidou est organisée par Germain Viatte. Elle est accompagnée des premières représentations en français de l’éphémère est éternel, dans le théâtre du centre. Seuphor guide la mise en scène de Claude Confortès et il est enchanté du résultat.
« À ce moment-là se trouve le point d’orgue de mon existence (…) ce furent quatre soirées inoubliables pour moi. Si on avait pu louer la salle cent fois, cent fois elle aurait été pleine. C’était fantastique, avec les trois décors de Mondrian et ces quinze acteurs entre dix-huit et vingt-cinq ans. D’abord, ils ne comprenaient rien à la pièce. Et puis, en parlant, au cours des répétitions, ils ont mordu et, quand ils l’ont jouée, c’était parfait, comme s’ils avaient rodé le spectacle depuis des années dans un enthousiasme, une gaieté folle. » (Une vie à angle droit, p 157)
Sa joie s’exprime par la réalisation d’un tableau à lacunes en français portant le titre de la pièce, L’éphémère est éternel, qui sera suivi, en 1979, d’une série de 8 autres dessins dont chacun reprend le titre inscrit dans huit langues différentes (Grec ancien, latin, néerlandais, italien, allemand, anglais, hébreux et espagnol).
Cette même année, Seuphor reçoit la distinction de l’Ordre des Arts et Lettres. À la suite de l’exposition, Seuphor propose de faire une donation d’œuvres abstraites de sa collection au Centre George Pompidou, que l’état accepte et qui est réalisée en 1978. Elle contient des œuvres que ses amis Delaunay, Larionov, Peeters, Huszar, Stanton Macdonald-Wright, Morgan Russel, Bruce, Janco, etc, lui ont offertes. Il considère qu’elles doivent appartenir à la société et être préservées pour la postérité au musée plutôt que dans des collections privées. Il y joint également quelques œuvres personnelles.
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Les jardins privés du géomètre, 20 juin 1973
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Michel Seuphor, écrits, œuvres, documents et témoignages, éditions Carmen Martinez, 1976
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Cercle au Carré, Het Overzicht, Documents internationaux de l'Esprit nouveau, editions Jean-Michel Place, 1976