« Des amis cherchaient un moyen de me faire gagner de l’argent pour subvenir à mes besoins. Et ils ont eu l’idée de m’offrir un appareil photo afin que je fasse des clichés pour les revues ou les magazines. J’avais déjà eu par le passé un appareil à Belle-Ile-En-Mer en 1925 – une petite boîte modèle « box » en bois – et j’ai fait des photos comme tout le monde. Mais c’est en 1929 que mes amis, voulant me tirer d’embarras, m’offrent un admirable appareil, un Voigtländer allemand.
(…) J’ai continué quelques temps à faire des clichés. Je voulais faire des choses insolites qu’il n’était pas facile de reconnaître du premier regard. J’habitais alors à l’Hôtel des Terrasses, et je photographiais de ma fenêtre les gens en bas, la construction géométrique des rues à un carrefour, les silhouettes sur fond de neige, les longues perspectives des façades et j’ai aussi fait à cette époque des montages et des collages…
(…) Je n’ai jamais rien pu faire dans l’optique d’en tirer un quelconque profit… Mais j’ai quand même mangé toute ma vie. Cela dit, avec cet appareil, j’ai tout de même gagné un peu d’argent puisque j’ai fait des photos de tableaux pour Fernand Léger et pour quelques autres peintres. J’ai fait aussi le célèbre portrait de Mondrian.
Mais la photo ne m’a pas accaparé longtemps, je ne suis qu’un amateur, heureux que des spécialistes trouvent aujourd’hui de la grâce à mes clichés, surtout ceux des toits de Paris, le sujet qui m’a le plus fasciné. Puis l’aventure de Cercle et Carré m’a trop pris pour que je continue. Quand je suis tombé malade en 1931 et que j’ai dû partir à Grasse en sanatorium, j’ai vendu mon appareil pour avoir un peu d’argent et je n’ai plus jamais refait de photo de ma vie… »